Cet été, le Musée national de la Monnaie de Bolivie à Potosí (Bolivie) organise un colloque international à l’occasion du 250ᵉ anniversaire de la construction du second Hôtel de la Monnaie de cette cité impériale fondée par Charles Quint. Ce colloque porte sur l’histoire monétaire et minière de Potosí, et analyse comment, grâce à l’argent qui était extrait de ses montagnes, la cité devint le centre de la première mondialisation.
Outre des recherches historiques basées sur l’analyse numismatique et des investigations en archives, un programme de recherche transdisciplinaire a été mis en place pour réaliser de nombreuses caractérisations métalliques grâce à la physique nucléaire.

Ma communication sera une synthèse de mes recherches menées depuis quelques années et notamment publiés dans Monnaie magazine. Cette communication sera l’occasion d’évoquer les circuits et les acteurs du commerce de l’argent hispano-américain à Nantes, ainsi que les conséquences monétaires, économiques et commerciales, mais aussi institutionnelles et sociales de ce phénomène.
Analyse du minerai de Potosí
Les recherches en cours s’inscrivent dans la longue durée. En effet, la question de la caractérisation du minerai d’argent de Potosí a déjà mobilisé plusieurs laboratoires depuis une cinquantaine d’années. Un groupe nantais reprend ce sujet, mais en renouvelant la méthodologie employée précédemment : l’échantillonnage est géographiquement réduit (il se concentre sur Nantes) mais il est très élargi sur le plan chronologique et numérique. Les premiers résultats offrent des perspectives enthousiasmantes, car ils dévoilent les fluctuations des arrivages d’argent potosien à Nantes et dans la basse Loire.

L’enrichissement d’un pays
Les monnaies, considérées comme autant de sources historiques, apportent également des informations inédites et stimulantes confirmant l’importance de Nantes comme hub d’importation et de transformation de l’argent hispano-américain en France au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Cet argent, une fois converti en numéraire français (testons, francs, quarts et huitièmes d’écu), se diffusait dans le reste du royaume par la Loire et ses affluents. Si la masse monétaire ainsi importée a considérablement enrichi le pays, elle en a aussi fortement déstabilisé l’équilibre économique sous le coup de la spéculation orchestrée par les changeurs et autres banquiers dont la cupidité avait pour effet l’augmentation généralisée des prix. Il apparaît aussi que le commerce nantais s’est totalement réorganisé et réorienté, passant de Bilbao à Séville pour destination privilégiée, afin de capter le métal par dizaines de tonnes. Pour faire face à cet afflux considérable (environ 150 tonnes), la Monnaie de Nantes dut s’adapter en réorganisant le travail de ses ouvriers et ouvrières, mais aussi en adaptant son matériel productif. Mais ce commerce de l’argent hispano-américain n’eut pas seulement que des conséquences sur la Monnaie et le négoce, il influença aussi significativement la vie politique et sociale nantaise, car les maîtres et les juges-gardes de la Monnaie devinrent échevins, sous-maires, officiers de la milice, consuls des marchands ou auditeurs en la Chambre des comptes.