La Banque d’Angleterre sort un nouveau billet de 50 Livres en polymère dédié à Alan Turing
Le 25 mars dernier, le Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, a officiellement dévoilé le design du nouveau billet de 50 Livres qui entrera en circulation le 23 juin 2021, date de l’anniversaire du grand mathématicien qui est mis à l’honneur sur ce nouveau billet, Alan Turing. Célèbre pour avoir réussi à décrypter les codes secrets allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, il a ainsi donné naissance aux bases de l’informatique moderne et de l’intelligence artificielle. Ce nouveau billet en polymère s’inscrit dans la continuité de la réforme adoptée avec la mise en œuvre de la dernière série, la série G, dont tous les billets reprennent désormais la technique du polymère en lieu et place du papier. Il rejoint ainsi les billets de 5, 10 et 20 Livres, introduits respectivement en 2016, 2017 et 2020.

Après avoir rendu hommage au célèbre homme d’Etat Winston Churchill sur le nouveau billet de 5 Livres en polymère introduit en 2016, à Jane Austen, une femme de lettre du début du XIXe siècle, sur ceux de 10 Livres mis en circulation en 2017, et enfin à Joseph Turner, le célèbre peintre romantique anglais du XVIIIe siècle sur les billets de 20 Livres entrés en circulation l’année dernière, c’est au tour d’un grand scientifique, devenu une icône de la communauté gay internationale, d’intégrer la prestigieuse famille des honorables citoyens britanniques ayant gagné le droit de figurer sur les billets de la Banque d’Angleterre !
Le Gouverneur s’est d’ailleurs réjoui de ce choix en rappelant que si Turing avait été considéré comme l’un des scientifiques les plus importants de l’histoire de la Grande-Bretagne, il avait aussi été « traité de manière épouvantable » en raison de son homosexualité, c’est pourquoi, « en le plaçant sur notre nouveau billet de 50 Livres, nous célébrons ses réalisations et les valeurs qu’il symbolise ».
Alan Turing est aujourd’hui considéré comme un précurseur, un génie des mathématiques mais aussi des sciences et de l’ingénierie qui a su très tôt entrevoir les possibilités de progrès liés au développement de l’intelligence artificielle.
Sa participation au programme de création d’une machine capable de déchiffrer tous les codes, dont le fameux code inviolable allemand, Enigma, durant la Seconde Guerre mondiale a fortement contribué à sa notoriété et aux progrès effectués dans ce domaine mais peu de gens ont conscience de tout ce que ses travaux ont apporté au développement de l’informatique moderne. Reconnu comme un véritable héros de guerre, ayant contribué à accélérer la victoire des Alliés, il n’en a pas moins été vivement publiquement dénigré quelques années plus tard. Professeur à l’université et responsable de plusieurs programmes de recherche avant-gardistes, il est formellement accusé et reconnu coupable en 1953 du crime « d’indécence manifeste et de perversion sexuelle » sanctionné par une loi datant de 1885.
Pour échapper à la prison, il accepte de subir une castration chimique mais finalement, victime des effets du traitement avec une forte prise de poids et des tendances dépressives, il se suicide par empoisonnement le 8 juin 1954 alors que tous les responsables des grands projets scientifiques de l’époque lui ont tourné le dos.
Il ne sera réhabilité, par décret royal de clémence, que le 24 décembre 2013 ! Cependant, depuis les années 70, tous les grands mathématiciens et scientifiques du monde entier reconnaissent son immense contribution au progrès de l’informatique et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il a donc été logiquement choisi par le comité consultatif chargé de désigner les personnages historiques dignes de figurer sur les nouveaux billets parmi près de 1000 candidatures envoyées à la Banque d’Angleterre. Le Gouverneur de la Banque, Mark Carney, a donc fait le choix final parmi une liste restreinte de 12 noms, le 15 juillet 2019, et c’est une photo-portrait, prise en 1951 par Elliott & Fry, conservée dans la collection de la National Portrait Gallery, qui sert de modèle pour le revers du nouveau billet de 50 Livres. Turing remplace ainsi les deux développeurs de la machine à vapeur : Matthew Boulton et James Watt, présents sur ce billet depuis 2011 et la mise en circulation de la série F. Pour accompagner son portrait, on retrouve sur le billet, un tableau et des formules mathématiques tirées de son article de 1936 « On computable numbers, with application to the Entscheidungsproblem » ainsi que des dessins techniques destinés à la construction de la machine de déchiffrement des codes Enigma : la « British Bombe ». Une citation, publiée dans le Times le 11 juin 1949, figure également sous sa signature : « Ce n’est qu’un avant-goût de ce qui est à venir, et seulement l’ombre de ce qui va être ». Enfin, sur une petite bande-annonce semblant défiler à côté du portrait, on peut distinguer un message en code binaire, qui se révèle être la date anniversaire de la naissance d’Alan Turing, le 23 juin 1912. C’est cette même date qui va être commémorée avec l’introduction de ce nouveau billet qui mesure 146 par 77 mm, il est donc plus grand que celui de 20 £ (139 x 73) ou de 10 £ (132 x 69) de la récente série de billets en polymère, mais il est plus petit que son prédécesseur en papier qui mesurait 156 par 85mm. Il est de couleur dominante rouge, comme le précédent, et est doté de multiples mesures de sécurité dont un patch métallisé en forme de fleur qui fait référence au travail de Turing sur la morphogénétique, l’étude des motifs dans la nature, qui serait guidées par des lois mathématiques. En variant l’inclinaison du billet, un hologramme laisse apparaitre soit le mot « fifty » soit « pounds ». La fenêtre transparente principale permet de distinguer une bande métallique qui paraît dorée et verte au recto alors qu’elle semble argentée au verso. Un patch en forme de couronne apparaît en 3D au-dessus de cette fenêtre. Soumis aux ultra-violets, le billet laisse apparaître le nombre 50 en rouge vif et vert sur un fond noirci. Enfin, la valeur du billet est inscrite en micro-lettres à plusieurs endroits sur le billet, notamment sous le portrait de la Reine qui conserve sa place d’honneur traditionnelle au recto du billet ! Par ailleurs, le numéro de série est multicolore et la taille des chiffres varie en augmentant de gauche à droite tandis que quatre points imprimés en relief dans le coin supérieur gauche doivent permettre une reconnaissance tactile pour les aveugles et les mal-voyants.

Les anciens billets resteront en circulation jusqu’à nouvel ordre. Le Gouverneur précise que la population sera avertie au moins 6 mois avant le retrait des versions en papier. Rappelons à ce propos que les billets de 50 Livres, la plus forte valeur faciale émise depuis 1945, ont bien failli tout simplement disparaître de la circulation en Angleterre en mars 2018. On leur reproche en effet, d’être peu utilisés par la population et d’être proportionnellement sur-représentés dans les transactions illégales, les évasions fiscales et les trafics en tout genre. Après sondages et consultations auprès des spécialistes des questions financières et monétaires, il est finalement apparu judicieux de conserver cette dénomination et l’étude pour le renouvellement du billet a été lancée en octobre 2018.
Le Venezuela confirme l’introduction des nouveaux billets de 200000 et 500000 bolivars
Le 5 mars dernier, la Banque Centrale du Venezuela avait annoncé l’introduction, prévue le 8 mars, d’un billet d’une valeur faciale de 1 million de Bolivars pour compenser l’hyperinflation qui frappe le pays depuis 2018. Ce billet d’une valeur inédite ne vaut en réalité qu’un demi-dollar et semble donc bien à la peine pour freiner la « dollarisation » de l’économie socialiste de la patrie du défunt leader Hugo Chavez et de son successeur, Nicolas Maduro. Cette mesure devait s’accompagner de l’introduction de deux autres billets, d’une valeur de 200000 et de 500000 bolivars.
Après quelques retards, qui seraient dû à une « pénurie de papier provoquée par la Colombie » d’après le gouvernement, ces billets sont finalement entrés en circulation au cours début avril mais ils peinent à rencontrer le succès car ils suffisent à peine à payer un ticket de bus ou une bouteille d’eau !

Les deux nouveaux billets ont des caractéristiques et des aspects assez similaires. Seules leur couleur et leur valeurs affichée les distinguent avec un billet de 200000 bolivars gris et un 500000 bolivars bleu foncé tirant sur le violet. Ils représentent tous deux le portrait du libérateur et héros de l’indépendance Simon Bolivar sur l’avers et son mausolée moderne, en forme de vague de 50 m de haut, achevé en 2013 au revers. Les nouvelles normes de sécurité sont les mêmes avec, entre autres, un fond anti-scanner composé de fines lignes impossibles à digitaliser, des fibres multicolores incorporées dans l’épaisseur du papier et qui réagissent à l’exposition aux ultra-violets, des micro-textes, des teintes fluorescentes permettant de distinguer 8 étoiles et la valeur du billet, des impressions magnétiques, un filigrane de sécurité renforcé et le portrait du libérateur apparaissant en transparence avec l’indication de la maison d’émission, la BCV, Banque Centrale du Venezuela. La valeur faciale du billet est répétée à 5 reprises au revers avec une dimension différente à chaque fois. Il est intéressant de noter que seuls 200 et 500 apparaissent en chiffres avec « MIL » « bolivares » imprimés à côté, comme si le gouvernement voulait donner l’impression que ces billets, dont la valeur réelle est finalement peu importante, sont finalement des billets « courants » de 200 et 500 comme ceux qui existaient avant les deux réformes monétaires. Laisser apparaitre en gros les valeurs faciales complètes avec les 5 zéros serait facilement interprété comme un aveu d’échec de la politique monétaire et économique du pays, car tous les économistes le savent, quand un pays est obligé d’émettre des billets avec des valeurs faciales aussi élevées, c’est qu’en général, l’économie va très mal ! En effet, après avoir connu une décennie de croissance grâce aux revenus de l’exportation du pétrole et des matières premières qui avaient atteint des valeurs records au début des années 2000, le pays est victime du ralentissement économique de 2008 et de la baisse des prix. L’économie du Venezuela dépendant presque exclusivement de l’exportation de pétrole, de minerais et de produits agricoles, ne parvient toujours pas à se redresser depuis dix ans et la politique autoritaire socialiste du Président Nicolas Maduro n’arrange rien à l’affaire. Il est en désaccord avec la plupart de ses voisins, Colombiens et Brésiliens en tête, qu’il accuse régulièrement de coups bas pour plomber sa politique économique, et surtout il doit composer avec une opposition virulente de la part des Etats-Unis, dont la suprématie du dollar dans la région pourrait sonner comme une victoire politique et idéologique.

Le Bolivar, qui est la monnaie souveraine du pays depuis 1879, pourrait donc bien disparaître de la circulation en raison de l’entêtement du gouvernement socialiste qui règne sur le pays depuis la victoire d’Hugo Chavez en 1998. L’inflation, qui était rampante depuis 2010, atteint des sommets au début de l’année 2018 contraignant le gouvernement à réformer sa devise le 20 août, avec un « Bolivar Souverain » qui remplace le « Bolivar Fuerte » au taux de 1 pour 100 000. Mais la mesure est insuffisante et la nouvelle monnaie s’effondre quelques mois plus tard pour devenir la devise la plus faible du monde en décembre 2019. Le Président Maduro tente alors de freiner cette chute en indexant la devise nationale à sa nouvelle crypto-monnaie, le « petro » dont la valeur suit le cours du pétrole, mais la mesure ne rencontre pas le succès escompté et à la fin de l’année 2020, après une année record d’hyper-inflation à 2665% dans un contexte de pandémie, le leader du pays doit se résoudre à émettre de nouveaux billets à forte valeur faciale « pour répondre aux exigences de l’économie nationale » comme le déclare sobrement le communiqué de la Banque Centrale. Il est donc très loin le temps où le Bolivar s’échangeait à 4.3 pour 1 dollar et où Hugo Chavez promettait que sa monnaie nationale récupèrerait bientôt « tout le terrain perdu face au dollar » afin de la concurrencer en Amérique Latine. Aujourd’hui, le billet de 1 million de Bolivars émis le 8 mars dernier permet à peine d’acheter un ticket de bus et le coût de fabrication des billets devraient bientôt dépasser la valeur nominale des plus petites valeurs faciales. La mise en circulation des nouveaux billets accuse d’ailleurs des retards que le gouvernement s’empresse de mettre sur le dos des mauvaises influences étrangères qui cherchent à déstabiliser le régime.

Ainsi, Nicolas Maduro n’hésite pas à accuser les « mafias colombiennes qui monopolisent le papier-monnaie vénézuélien » ! La masse monétaire en circulation est donc insuffisante pour répondre aux besoins de la population et le gouvernement dit miser sur une « numérisation des échanges » pour compenser. Mais, comme toujours, cette idée profite aux riches qui peuvent ouvrir un compte aux Etats-Unis et procéder à des transferts entre privilégiés tandis que les plus pauvres, qui ont été encouragés à se doter de cartes de crédit et à recevoir leurs salaires virtuellement sur leurs comptes en banque, ne peuvent même pas y accéder à cause des trop fréquentes coupures de courant qui affectent le pays ! C’est donc le dollar qui prend progressivement la place dans l’économie du pays, soit à travers les comptes en banque détenus aux Etats-Unis, soit via les transferts d’argent des millions d’émigrés qui ont déjà fui le pays, soit enfin par les trafics aux frontières où l’on échange notamment de l’essence pas chère, raffinée dans le pays, contre des dollars circulant en Colombie ou au Brésil. Les experts estiment aujourd’hui que plus de 66% des transactions se font en dollar et que la survie de la monnaie souveraine est déjà menacée. Avec une inflation de 3000% sur 12 mois, on peut légitimement douter de l’utilité de la mise en circulation de ces derniers billets mais le gouvernement de Maduro s’évertue à accuser les sanctions américaines et les menaces issues de l’étranger !