Les histoires de trésors déchainent toujours les passions… Celle du Chameau ne déroge pas à la règle…
Une flûte pour la Nouvelle-France
Le Chameau était une flûte militaire (c’est-à-dire un navire de transport doté de trois mâts et de voiles carrées) de la Marine royale française.
Le Chameau fut construit à Brest en 1717-1718 par le constructeur naval Étienne Hubac. En ces premières années du règne du jeune Louis XV (1715-1774) le Chameau était destiné à assurer les liaisons avec la « Nouvelle-France » (le Canada français). Chaque année, le navire effectuait un aller-retour entre le royaume et le Québec, afin de pourvoir la colonie en matériel, armement, ravitaillement et passagers.
La dernière traversée du Chameau
En juillet 1725, Le Chameau quitta le port de Rochefort pour la sixième fois. Il transportait marchandises, munitions et argent pour payer les garnisons françaises et les dépenses de la colonie. On parle de plus de 82 000 livres en pièces d’or et d’argent. Le navire, placé sous les ordres du capitaine Saint-James, transportait en plus une centaine de marins et de militaires, ainsi que deux cent seize passagers civils.
La traversée de l’Atlantique se fit sans encombre, mais c’est proche de la destination, au large de l’île Cap-Breton (appelée à l’époque l’île Royale), peu avant l’estuaire du Saint-Laurent, que Le Chameau dut faire face à une violente tempête. Le navire percuta un rocher et chavira. Il coula rapidement à quelques lieues de Louisbourg le 26 août 1725. Il n’y eut aucun survivant.
De part l’importance de ces pertes humaines et matérielles, le naufrage du Chameau était une véritable tragédie pour la Nouvelle-France, car la colonie était alors largement dépendante des approvisionnements royaux. À ce sujet, Jacques Le Normant de Mézy, commissaire ordonnateur de l’île Royale, écrivit ces mots au gouverneur de la Nouvelle-France : « depuis 35 ans que je vais à la mer, je n’ai vu ni entendu parler d’un naufrage si extraordinaire ». Pour qu’une telle tragédie ne se renouvelle pas, on érigea un phare à l’entrée de Louisbourg en 1734 (c’était le premier phare de la Nouvelle-France).
Les premières recherches de l’épave
Quelques semaines après le naufrage, l’officier de marine Pierre Morpain leva un plan qui signalait « la carcasse du bâtiment » sur un récif près de l’îlot de Portenove. Plusieurs tentatives de récupération du trésor et des canons furent lancées, mais toutes échouèrent. Les eaux glacées et tumultueuses rendaient les opérations impossibles.
Quelques semaines après le naufrage, l’officier de marine Pierre Morpain leva un plan qui signalait « la carcasse du bâtiment » sur un récif près de l’îlot de Portenove. Plusieurs tentatives de récupération du trésor et des canons furent lancées, mais toutes échouèrent. Les eaux glacées et tumultueuses rendaient les opérations impossibles.
La France ayant perdu Louisbourg et l’île Royale durant la guerre de Sept ans (1756-1763), elle oublia l’épave du Chameau, dont l’histoire devint une légende locale…
Deux pêcheurs auraient un jour remonté dans leur filet un sac tellement lourd que les coutures de celui-ci se seraient rompues, libérant des centaines de pièces d’or et d’argent qui seraient ainsi retombées dans la mer… D’autres pêcheurs auraient quant à eux récupéré des pièces collées au goudron de longs poteaux immergés…
La redécouverte du Chameau
Au tout début des années 1960, un plongeur canadien, nommé Alex Storm, décide de se lancer à la recherche du Chameau. Storm se documente et commence ses plongées durant l’été 1961. Il découvre canons, boulets et débris d’ancres, ainsi qu’une fourchette et une pièce d’argent de Louis XV, confirmant qu’il avait bien retrouvé Le Chameau.
Pour pousser ses recherches plus avant, Storm s’associe avec deux autres plongeurs, achète du nouveau matériel et obtient une autorisation gouvernementale. Le 19 septembre 1965, Storm et son équipe découvre, à environ 30 mètres de profondeur, des centaines de pièces d’or et d’argent de Louis XV : au total, 6 958 écus aux 8L (plus de 200 kg d’argent) et 494 louis dits « mirlitons » frappés en 1723, 1724 et 1725 dans vingt-quatre ateliers différents (celui de La Rochelle représentait 80% de l’ensemble).
Une partie de cetrésorfut mise en vente aux enchères par Sotheby’s à New-York les 10 et 11 décembre 1971. Cette vente rapporta plus de 200 000 dollars. Depuis, on voit régulièrement apparaître, ou réapparaitre, des pièces du Chameau. Les écus d’argent sont aisément reconnaissables à leur mauvais état de conservation dû aux deux siècles passés sous la mer…
Pour conclure, on signalera que Storm et son équipe ont aussi découvert une croix de chevalier dans l’Ordre de Saint-Louis. Celle-ci appartenait très certainement au Sieur d’Esgly, major à Québec, seul passager du Chameau connu pour faire partie de l’Ordre. Esgly avait reçu cette décoration en février 1725, soit quelques mois seulement avant sa mort tragique.
Ce petit objet d’or et d’émail nous rappelle que derrière chaque trésor, il y a une histoire d’hommes et de femmes… Une histoire souvent tragique qu’il faut respecter.
Gildas Salaün