A l’occasion des 80 ans de l' »Appel de Londres » le 18 juin 1940, Monnaie Magazine vous propose de revenir sur le parcours de cet homme qui a marqué l’Histoire de France au cœur du XXe siècle.
Affectueusement appelé le « Grand Charles », Charles De Gaulle est toujours considéré par les Français comme « le personnage le plus important de l’histoire de France », devant Napoléon ou Charlemagne, devrait souvent être mis à l’honneur cette année. En effet, nous allons pouvoir commémorer les 80 ans de son fameux « appel de Londres » le 18 juin (1940), puis les 50 ans de sa disparition le 9 novembre (1970) et enfin les 130 ans de sa naissance le 22 novembre (1890). Ces différentes dates anniversaires vont être autant d’occasions pour organiser des événements, des expositions et mêmes des frappes monétaires exceptionnelles. Pourtant, dans son testament, le « Général » avait expressément exigé qu’il « refusait d’avance toute distinction, promotion, dignité, citation ou décoration ». Ce qui ne l’a pas empêché de laisser son nom sur des centaines de ponts, de places, d’avenues, le principal aéroport de Paris et l’unique porte-avion français !
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Né à Lille, chez sa grand-mère maternelle le 22 novembre 1890, Charles de Gaulle est le troisième enfant d’une famille bourgeoise parisienne. Il n’a aucune ascendance noble mais il est fortement influencé par l’héritage intellectuel de ses ancêtres. Son père est un enseignant catholique titulaire de trois doctorats en Lettres, Sciences et Droit, sa mère est la fille d’un entrepreneur du textile lillois, ses deux oncles sont d’éminents historiens et sa grand-mère lilloise est la fille d’un brillant avocat.
Les valeurs familiales sont alors fermement catholiques et surtout patriotiques avec un sens du devoir au service de l’Etat exacerbé. C’est sans doute pour cela qu’il choisit une carrière militaire alors qu’il est envoyé en pension chez les Jésuites en Belgique en 1905 après avoir rédigé un premier récit à 15 ans, dans lequel il se décrit déjà comme le « général de Gaulle ».
Il entre à l’école militaire de Saint Cyr en 1908 et, diplômé en 1912, il intègre le 33e régiment d’infanterie sous les ordres du colonel Pétain. Il s’illustre par sa fougue et sa bravoure au combat durant les premiers affrontements de la Première Guerre Mondiale.
Il est notamment blessé à trois reprises entre 1914 et 1916 mais il est capturé par les Allemands et envoyé dans un camp de prisonniers en Lituanie en mars 1916. Il tente de s’évader à plusieurs reprises car il ne supporte pas l’idée d’être devenu un « soldat inutile ».
Il rentre en France en décembre 1918 et reçoit la croix de guerre ainsi que la décoration de chevalier de la légion d’honneur mais souhaite à tout prix relancer sa carrière militaire en sollicitant des missions à l’étranger notamment en Pologne et au Proche-Orient. Il épouse entre temps Yvonne Vendroux, jeune fille issue de la bourgeoisie du Nord, le 7 avril 1921.
Trois enfants naissent alors de cette union : Philippe en 1921, Elisabeth en 1924 et enfin Anne, née trisomique le 1er janvier 1928. Durant l’entre-deux guerres, de Gaulle est mal noté mais il est protégé par Pétain devenu maréchal. Il intègre d’ailleurs son état-major en 1925 et rédige plusieurs ouvrages de théorie militaire dans lesquels il démontre à la fois ses talents d’écrivains et de tacticien militaire. Ses théories avant-gardistes sont peu suivies par les grands officiers français de l’époque qui ne croient pas à la guerre de mouvement motorisée tandis que les officiers allemands comme Guderian lui accordent beaucoup plus d’intérêt et de crédit. Elles lui permettent cependant d’intégrer le secrétariat général de la Défense Nationale en 1931 avec la charge de préparer un projet de loi militaire. Il fait alors ses premières armes au sein des milieux politiques et forge sa conviction que le parlementarisme et les querelles entre partis politiques sont néfastes pour mener de grands projets politiques en France.
Il est déjà partisan d’un régime fort et centralisé sans adhérer aux idées royalistes et anti-républicaines. Ainsi, dès 1932, il semble déjà penser à sa propre ambition politique dans son ouvrage « le Fil de l’épée », en affirmant que « On ne fait rien de grand sans de grands hommes et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu ».
LE PRÉCURSEUR
Il est promu colonel en décembre 1937 à la tête d’un régiment de chars mais ses conceptions sur l’usage des blindés pour mener des offensives, et non pas protéger l’infanterie, lui valent l’hostilité de ses supérieurs. Lorsque la guerre éclate, de Gaulle est effaré de voir l’armée française rester cantonnée dans les fortifications de la Ligne Maginot alors que les courageux soldats polonais qu’il connait bien pour les avoir accompagnés dans leur guerre contre la Russie bolchévique en 1919-1920, meurent par milliers, victimes de la « Blitzkrieg » qu’il a lui-même, sans le vouloir, inspiré !
Le 26 janvier, il alerte ses supérieurs et envoi un courrier à près de 80 personnalités influentes mais il n’est entendu que le 7 mai, soit trois jours avant la vaste offensive allemande à l’Ouest. Le 11 mai, il prend le commandement de la principale division blindée et lance des contre-attaques victorieuses entre le 16 et le 28 mai. Seule l’intervention des fameux avions bombardiers « Stuka » permet aux Allemands de conserver l’avantage. Le 25 mai, il accède enfin au grade de Général de Brigade, mais la décision anglaise de rapatrier ses troupes encerclées dans la poche de Dunkerque compromet fortement les chances de résister à l’avancée allemande. Le 6 juin 1940, de Gaulle est nommé sous-secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Défense Nationale par Paul Reynaud. Il a pour mission impossible d’organiser la poursuite des combats et de convaincre l’Angleterre d’engager son aviation en France.
Il rencontre alors le Premier Ministre Winston Churchill pour la première fois le 9 juin puis quitte Paris, déclarée « ville ouverte » le 10. Le 16, il est envoyé en mission à Londres pour proposer une fusion des deux armées et des deux empires coloniaux. De retour à Bordeaux le 17 juin, il apprend la démission de Paul Reynaud et la désignation de Pétain qui le remplace à son poste par le général Weygand. Il choisit alors de quitter la France à bord du petit avion du général Edward Spears pour se réfugier à Londres avec les 100 000 francs prélevés sur les fonds secrets dont il disposait.
L’HOMME DU 18 JUIN
Après avoir désespérément tenté de convaincre le gouvernement français de s’exiler à Londres comme l’ont fait ceux de Belgique ou de Pologne, les autorités britanniques autorisent de Gaulle a lancé un appel sur les ondes de la BBC. Le contenu du texte original est soigneusement étudié par le cabinet de guerre qui veut éviter de mettre en péril les négociations de Pétain avec l’Allemagne. Son fameux appel invitant « les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique […] à se mettre en rapport avec lui » est alors prononcé à 19h00 mais il n’est pas filmé, ni enregistré et très peu de Français semblent l’avoir entendu. Car il est bien souvent confondu avec celui du 22 juin dont il existe un enregistrement souvent rediffusé lors des hommages et une version filmée datant elle du 2 juillet.
Ces émissions ont davantage été entendues car l’appel du 18 juin avait déjà été entièrement retranscrit et publié dans l’édition du Times du 19 juin. Version reprise le jour même par différents quotidiens français. En conséquence, le gouvernement de Pétain le condamne pour désertion, trahison et atteinte à la sûreté de l’Etat. Mis à la retraite d’office, il est ensuite déchu de sa nationalité et finalement condamné à mort le 2 août. En effet, ses tentatives échouées de récupération de navires de guerre français à Mers el-kébir et prise de Dakar en juillet sont considérées comme une haute trahison par les autorités françaises qui ont négocié et signé l’armistice avec l’Allemagne le 22 juin. De Gaulle crée alors les Forces Françaises Libres reconnues par Churchill et composées de quelques éléments de marine, d’aviation, de forces terrestres et surtout d’un service de renseignements, mais seules quelques unités restées en Angleterre et quelques territoires dispersés comme le Tchad, les Nouvelles Hébrides, la Polynésie ou la Nouvelle Calédonie prennent fait et cause pour de Gaulle. La majorité des autres colonies se rallient au gouvernement désormais basé à Vichy.
Il prend alors la tête du Comité National Français qui s’efforce de maintenir la France dans le camp des alliés alors que beaucoup parmi ces derniers considèrent qu’elle collabore déjà avec l’Allemagne. Grâce à un accord financier qu’il a signé avec la Banque d’Angleterre le 7 août 1940, il peut continuer à émettre des pièces et des billets arborant la Croix de Lorraine, nouvel emblème de la France Libre, en concurrence avec les monnaies de Vichy affichant la francisque.
Après avoir pris contact avec les mouvements de résistance intérieure qu’il encourage et soutient grâce à Pierre Brossolette, le colonel Passy et surtout Jean Moulin, il obtient l’intégration de la résistance dans un vaste ensemble qu’il prétend diriger : la « France combattante », à partir de juillet 1942.
Il doit alors redoubler d’efforts pour convaincre le nouvel allié américain, entré en guerre en décembre 1941 après le bombardement de Pearl Harbor, dont le Président Roosevelt doute de la véritable autorité du général de Gaulle et de l’engagement sincère des Français aux côtés des Alliés. Ce dernier projette d’ailleurs dès 1942, de mettre en place un gouvernement militaire provisoire en France en cas de libération de ce territoire occupé. Ce projet d’Allied Military Government of Occupied Territories est même très abouti puisqu’il comprend l’instauration d’une monnaie d’occupation devant se substituer au franc français. Les ateliers monétaires de Boston et de Philadelphie produisent ainsi des pièces et des billets portant simplement la mention « France » et la valeur faciale en francs. Ils sont de petit format, de type américain et gagnent le nom de « Franc Philadelphie ». Cette défiance américaine envers de Gaulle se traduit par une prise de contact avec son ennemi l’amiral Darlan, représentant de Vichy en Afrique du Nord, lors du débarquement allié au Maroc et en Algérie en novembre 1942. De Gaulle parvient cependant à s’imposer à Alger en mai 1943 et à former un Comité Français de Libération Nationale le 3 juin. Toutes les forces françaises libres sont alors aux ordres du général de Gaulle qui parvient également au cours de l’été à monter une véritable armée qui passe de moins de 80 000 à près de 1 300 000 hommes grâce à l’apport des troupes basées en Afrique du Nord et surtout à l’engagement de nombreux « volontaires » indigènes. Ils participent ainsi aux débarquements et aux combats en Italie aux côtés des troupes anglo-américaines.
Fort du soutien de tous les mouvements de résistance qui ont été ralliés grâce à l’action héroïque de Jean Moulin, le général de Gaulle peut proclamer dès le 3 juin 1944, alors que le débarquement en Normandie se prépare, la naissance du Gouvernement Provisoire de la République Française qui remplace le CFLN afin de prendre de vitesse le projet américain de gouvernement d’occupation allié. Il débarque ainsi lui-même en Normandie dès le 14 juin et rétablit aussitôt l’autorité de son gouvernement en rencontrant les préfets, les maires, les principaux chefs de la résistance et le général Montgomery, responsable anglais des opérations militaires en France. Le 25 août, alors que les Alliés anglo-saxons ne sont pas favorables à une opération de libération de Paris qui pourrait faire perdre un temps précieux et permettre à Hitler de réorganiser ses forces, il encourage le général Leclerc à foncer sur la capitale avec sa 2ème DB tandis que les Parisiens se sont déjà soulevés depuis le 19 août. Le jour même de la réédition de Von Choltitz, de Gaulle rentre dans Paris pour s’installer au Ministère de la Guerre puis se rendre à l’Hôtel de Ville pour prononcer un autre discours historique.
Il insiste alors pour rappeler le rôle des Français dans la libération de leur pays et souligner que la République n’a jamais cessé d’exister. C’est pour lui une nécessité vitale pour contrer les projets anglo-saxons et garantir l’indépendance de la France. Il est alors le premier à avoir l’idée de faire de Vichy une « simple parenthèse » et à nier l’existence de la collaboration, ou tout du moins, à la limiter à une « poignée de misérables ». Cette stratégie donnera naissance au « mythe du résistancialisme » qui perdurera jusqu’après la mort du général.
L’HOMME DE L’UNITÉ ET DE LA RÉCONCILIATION
Le 26 août 1944, le général de Gaulle défile triomphalement sur les Champs Elysées malgré la menace de quelques tireurs embusqués. Beaucoup de Français le voient alors pour la première fois autrement que dans les pages d’actualité et découvrent alors sa taille impressionnante, 1,93 m ! Le 9 septembre, il instaure un gouvernement d’unité nationale composé de membres du GPRF et de la résistance aussi bien communistes que non communistes. Il faut alors impérativement montrer l’image d’une France unie, indépendante, combattant aux côtés des Alliés. De Gaulle tente alors de minimiser l’action collaboratrice de la France de Vichy en essayant de mettre fin assez rapidement aux vengeances et aux actions d’épuration.

Il réintègre bons nombres de hauts fonctionnaires de l’administration, de la police et de l’armée et les associe à d’anciens résistants qu’ils avaient pourtant combattus dans les mois précédents. Les institutions régaliennes étant peu à peu remises en route, le gouvernement provisoire dispose d’une pleine légitimité pour adopter toute une série de mesures économiques et sociales encore en vigueur aujourd’hui, comme la nationalisation des secteurs stratégiques de l’industrie, la mise en place de l’assurance maladie universelle et obligatoire ou encore le vote des femmes. La Banque de France relance également sa production et une loi « d’échange obligatoire » datée du 4 juin 1945 ordonne que tous les billets émis par Vichy, par la Banque d’Angleterre, par les ateliers de Boston et Philadelphie ou par ceux d’Alger soient échangés contre de nouveaux billets.
Estimant que la mission qu’il s’était fixé le 18 juin : « libérer le territoire, restaurer la République, organiser des élections libres et démocratiques et entreprendre la modernisation économique et sociale » est accomplie, il présente sa démission le 20 janvier 1946. Il refuse alors la dignité de « Maréchal de France » et se retire du gouvernement tout en maintenant son influence politique opposée au système parlementariste. Il expose d’ailleurs ses convictions politiques lors du fameux discours de Bayeux du 16 juin 1946 qui préfigure les grandes lignes de la Constitution de 1958. L’année suivante il fonde le Rassemblement du Peuple Français, qui malgré de bons résultats aux élections, ne parvient pas à s’imposer face aux courants socialistes, communistes et au refus de s’allier avec les autres partis de droite. Il est mis en sommeil en 1955 et le général se retire à Colombey-les-Deux-Eglises pour y rédiger ses « Mémoires de guerre ».
LE CHEF D’ETAT

La « traversée du désert » du général de Gaulle ne va pas durer si longtemps puisque l’instabilité ministérielle de la IVe République et les « événements » en Algérie lui donnent bientôt raison. En effet, le général Massu et le général Salan ont formé un Comité de Salut Public à Alger pour lutter contre le FLN le 13 mai 1958. Devant la menace d’un soulèvement militaire, le Président de la République René Coty fait appel au seul homme capable de mettre un terme à cette crise. Le 29 mai, le « plus illustre des Français » accepte de former un gouvernement, il est investi par l’Assemblée Nationale le 1er juin. Ayant la possibilité exceptionnelle de gouverner par ordonnance pendant 6 mois, il dispose ainsi enfin du pouvoir fort qu’il avait réclamé dans son discours de Bayeux. Il charge alors Michel Debré de rédiger la nouvelle Constitution, fortement inspirée par ses idées politiques prônant un exécutif fort au détriment du Parlement.
Cette Constitution est adoptée par référendum le 28 septembre et promulguée le 4 octobre, c’est la naissance de notre Ve République. De Gaulle est élu Président par l’Assemblée le 21 décembre mais il n’a pas encore obtenu l’instauration du suffrage universel pour cette fonction. Aussitôt au pouvoir, il s’empresse de lancer les grands projets qui doivent restaurer la grandeur de la France et moderniser le pays. Sur le plan international, il soutient la décolonisation tout en maintenant des liens économiques, militaires et politiques très étroits avec les nouveaux dirigeants. Il se détache également des deux blocs en reconnaissant la Chine de Mao dès 1964 et en quittant l’OTAN en 1966. Il encourage également la construction de l’Union Européenne en se rapprochant de l’Allemagne mais en s’opposant farouchement à l’entrée du Royaume-Uni qu’il considère comme étant un cheval de Troie des Etats-Unis et du Commonwealth. Pour assurer à la France son indépendance, il lance un vaste programme industriel militaire pour améliorer la force de frappe nucléaire et permettre à l’armée française de disposer de ses propres armes terrestres, navales ou aériennes.
Sur le plan économique il entreprend de vastes programmes de développement et de modernisation dirigés et financés par l’Etat dans les domaines aussi variés que l’informatique, l’aéronautique, l’aérospatiale, le tourisme, l’urbanisation, l’agriculture ou les infrastructures de transport. Dans les domaines monétaires et financiers, il commence par dévaluer le franc de 29% en 1959 avant d’introduite le nouveau franc lourd le 1er janvier 1960, équivalent à 1000 anciens francs. Il parvient enfin à mettre fin au conflit en Algérie après plusieurs tergiversations pas toujours bien comprises ou interprétées comme le « je vous ai compris » du 4 juin 1958 ou la « paix des Braves » proposée au FLN dès le mois d’octobre de la même année.
C’est finalement la pression populaire qui l’encourage à adopter la solution de l’autodétermination largement acceptée par référendum aussi bien en France qu’en Algérie en janvier 1961. Les Européens vivant en Algérie forment alors l’Organisation Armée Secrète qui mène des actions terroristes contre le FLN et le gouvernement. L’indépendance de l’Algérie devient effective en juillet 1962. De Gaulle, victime d’une tentative d’attentat au rond-point du Petit Clamart le 22 août reste alors insensible au sort des dizaines de milliers de réfugiés pied noirs et au massacre des Harkis qu’il a refusé de rapatrier en France métropolitaine. Ayant obtenu l’introduction du suffrage universel pour l’élection présidentielle, il est réélu le 19 décembre 1965 avec plus de 55% des voix.
LE GRAND HOMME
Lors de ces élections, le général s’est pour la première fois plié aux règles des interviews télévisées et des sondages. Habile orateur, il sait s’attirer l’affection des Français en utilisant un vocabulaire peu conventionnel et en sortant quelques boutades à bon escient. Il est ainsi l’auteur des expressions « le machin » pour désigner l’ONU, ou la « chienlit » pour qualifier les manifestants violents de mai 1968. Lors d’une interview concernant son autoritarisme assumé, il répond aux journalistes « pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? » ou alors à l’occasion d’une conférence de presse, à une question sur sa santé il rétorque « je ne vais pas mal. Mais rassurez-vous : un jour je ne manquerai pas de mourir ». Etant devenu un personnage d’envergure internationale reconnue, il peut aussi se montrer également volontiers provocateur en critiquant ouvertement l’engagement américain au Vietnam, en rendant une visite courtoise à son voisin Franco ou en criant « Vive le Québec libre » lors d’une visite à Montréal en 1967.
Cependant, conscient des enjeux monétaires internationaux, il fait partie des tous premiers chefs d’Etat à remettre en cause les clauses des accords de Bretton Woods acceptés par tous en 1944 y compris par l’URSS. Il considère en effet qu’il est anormal qu’un Etat souverain ne soit pas maître de sa monnaie et surtout que les Etats-Unis aient le pouvoir et l’immense avantage de pouvoir payer ce qu’ils doivent aux autres pays avec des dollars qu’ils sont seuls à émettre. Par conséquent, il accélère le rapatriement des réserves d’or françaises déposées dans la Banque Fédérale américaine en les échangeant contre des stocks de dollars détenus en France, comme les accords internationaux l’y autorise.
La Marine française se charge ainsi de rapatrier jusqu’à 92% du stock d’or français entre 1965 et 1968 afin de permettre à la Banque de France d’être en mesure de gager ses futures émissions sur l’or en cas de défaillance du dollar, qui devait être la seule monnaie convertible en or. L’histoire lui donne alors raison puisque le coût de la guerre du Vietnam, la crise économique et les prémices des chocs pétroliers mettent à mal l’économie américaine en oblige Nixon à mettre fin au Système Monétaire International de Bretton Woods en 1971 pour dévaluer le dollar et ainsi régler sans frais toutes les dettes contractées en dollars par les Etats-Unis auprès des autres pays contraints de les accepter.
LA CRISE DE MAI 1968
La crise de mai 1968 est probablement le seul événement « historique » que le général n’avait pas vu venir. La France est alors en pleine croissance économique. La reconstruction puis la modernisation de l’Etat et de son territoire semblent porter leurs fruits mais les bénéfices sont mal répartis. Les ouvriers estiment ne pas assez en profiter. Les syndicats et les partis socialistes encouragent alors à la grève tandis que la jeunesse issue du « baby-boom », qui n’a pas connu la guerre, demande plus de libertés et rejette de plus en plus l’autoritarisme de celui qui a sauvé la France de leurs parents.
Malgré la paralysie de la France et les violences qui s’intensifient dans Paris à la mi-mai, il pense que la crise va passer et que le gouvernement peut s’en sortir pendant qu’il se rend en Roumanie en visite officielle. Peu après son retour, il prend enfin la parole le 24 mai pour dénoncer les exactions mais n’entend pas se laisser dicter sa politique par la rue. Le 27, les Accords de Grenelle satisfont une partie des revendications des syndicats mais les manifestations continuent. Le 30 mai, après une visite éclair au général Massu qui le reçoit dans la base militaire française en Allemagne, à Baden Baden, il prend à nouveau la parole pour rappeler l’importance du vote démocratique et dénoncer énergiquement l’influence des communistes.
Son appel est entendu et une gigantesque manifestation populaire gaulliste défile dans sur les Champs Elysées le lendemain. L’Assemblée Nationale est dissoute et la répression est implacable. Des centaines de fonctionnaires, d’enseignants et de journalistes sont virés et les locaux des universités sont libérés. Les élections législatives de juin 1968 ont une saveur de triomphe pour de Gaulle dont le parti obtient 354 des 487 sièges. Pourtant, la crise sociale et politique est plus profonde et dès l’année suivante, à l’occasion d’un référendum sur la réforme des conseils régionaux dans lequel il engage sa démission en cas de défaite, il est désavoué par la population et une partie de la Droite française qui a soutenu le « non ».
Il annonce sa démission quelques minutes après minuit le 28 avril 1969. Pour échapper aux querelles de succession politiques de la Droite, il se réfugie en Irlande au mois de mai, avant de revenir à Colombey en juin pour y rédiger son dernier ouvrage, ses Mémoires de guerre dont la qualité littéraire est saluée par les milieux intellectuels. Le 9 novembre 1970, il succombe à une rupture d’anévrisme. Sa mort n’est annoncée que le lendemain. Pompidou déclare alors que « la France est veuve » ! Refusant toutes obsèques nationales, l’office religieux se tient à Colombey-les-Deux-Eglises le 12 novembre en présence de la famille, de ses nombreux amis et de représentants de l’armée. Aucun discours n’est prononcé mais des dizaines de milliers de personnes lui rendent hommage devant le parvis de l’église de Colombey ou devant celui de Notre Dame de Paris.

HOMMAGES
En 1972, une gigantesque croix de Lorraine est inaugurée sur les hauteurs de Colombey. Elle est complétée par un nouveau mémorial ouvert en octobre 2008. Un historial consacré au général de Gaulle est également inauguré en février 2008 dans les sous-sols de l’Hôtel des Invalides, non loin du tombeau de Napoléon. « Charles de Gaulle » ou « général de Gaulle » comptent parmi les dénominations les plus attribuées aux rues, avenues, ponts, bâtiments, places et monuments en France mais aussi dans les anciennes colonies françaises. Depuis sa mort, les sondages le placent régulièrement en tête des Français les plus illustres de l’histoire de France devant Napoléon, Jean Jaurès, Louis XIV ou encore l’abbé Pierre ou Louis Pasteur. Il est aussi l’un des personnages qui a le plus inspiré les caricaturistes de 1940 à nos jours. Son uniforme, sa grande taille et son nez proéminent permettent de le distinguer à coup sûr. Il a enfin beaucoup inspiré les ateliers monétaires souhaitant lui rendre hommage.
Ainsi, on le trouve représenté en uniforme de profil, accompagné de la croix de Lorraine au revers sur les Francs CFA du Bénin, du Tchad ou du Gabon frappés en 1960, 1970, 2010 ou 2013. Ces pièces en or de 10000 CFA de 1970 ou 1500 CFA de 2010 n’ont pas eu vocation à circuler mais ont rencontré un certain succès chez les collectionneurs.
En France, les frappes représentant le général sont nombreuses : un franc destiné à la circulation courante émis en 1988 le représente de profil sans la casquette militaire avec simplement la mention de la valeur 1 F au revers. Des éditions en argent fin ont également été émises à cette occasion.
Une pièce de 100 Francs représentant le général lisant son discours devant un micro de la BBC a été frappée en 1994.
Une version de la pièce de 2 euros de 2010 est aussi consacrée à l’appel du 18 juin pour commémorer les 70 ans.
En 2013, une pièce de 2 euros est émise à l’initiative de l’Allemagne pour commémorer les 50 ans du traité d’amitié de l’Elysée. Elle représente les portraits se faisant face du général et de son homologue allemand Konrad Adenauer.
En 2015, c’est une pièce de 200 euros or représentant le micro de l’appel du 18 juin ainsi qu’un portrait original de ¾ du général, dessiné par Christian Lacroix qui est émise par les ateliers de la Monnaie de Paris.
Enfin, une pièce de 50 euros 2016 est, elle, consacrée au porte avion Charles de Gaulle. Elle existe également avec une valeur faciale de 10 euros.
En 2020, le général de Gaulle sera à nouveau mis à l’honneur par la Monnaie de Paris :
- on retrouve une représentation de deux profils de Charles de Gaulle à deux époques différentes sur la pièce de 2 euros commémorative et sur les pièces de 10 et 100 euros en argent
- un mini set sur le thème de l’amitié franco-allemande, composé des 8 faciales plus la deux euros commémorative, sera présenté au World Money Fair de Berlin
Pour les 60 ans du Nouveau Franc instauré par le général de Gaulle, la Monnaie de Paris frappe 3 pièces, avec à l’avers toujours la représentation des deux profils du général :
- 10 euros argent : revers et faces des pièces de 1, 2 et 5 centimes épi ; la Semeuse antérieure à 1914
- 50 euros or : revers et faces des pièces de 10, 20 et 50 centimes ; une branche d’olivier, symbole numismatique français
- 100 euros or : revers et faces des pièces de 1 à 5 Francs ; une branche d’olivier
Le général de Gaulle devant le mémorial de Colombey-les-Deux-Églises est également présent sur un billet touristique 0 euro souvenir.
