Le lundi 23 janvier, le gouvernement burkinabé d’Ibrahim Traoré qui a pris le pouvoir le 30 septembre dernier, a fait savoir aux autorités françaises que leurs forces militaires n’étaient plus les bienvenues sur le territoire burkinabé. Il s’aligne ainsi sur la position de son voisin malien, Assimi Goita, qui a déjà obtenue le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane en août 2022. Ses voisins de la CEDEAO qui ont déjà suspendu la participation du pays après le premier coup d’Etat de janvier 2022, envisagent maintenant de l’exclure du processus visant la mise en place d’une union douanière dotée d’une monnaie commune appelée l’ECO.
S’éloigner de la France au profit de la Russie
Alors que le Burkina Faso a déjà connu un premier coup d’Etat militaire en janvier 2022, le gouvernement de transition s’est révélé tout aussi incapable de lutter contre les mouvements rebelles et les djihadistes qui contrôlent près de 40% du territoire début septembre. Les jeunes officiers mécontents ont alors porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré aussitôt après la tragique embuscade rebelle du 26 septembre. Ce dernier qui était alors à la tête des forces spéciales a contraint le président par intérim Damiba à la démission le 2 octobre et a été finalement lui-même désigné président d’un gouvernement de transition le 14 octobre. Depuis lors, il ne cesse d’afficher son admiration pour son voisin Malien, le colonel Assimi Goïta qui, en se rapprochant des Russes, semble avoir trouvé un moyen de contrer les assauts des djihadistes et de réduire l’influence occidentale avec le soutien de la population. Reprochant aux français leur incapacité à écraser les forces djihadistes malgré leur présence importante au Burkina, le nouveau dirigeant entend également diversifier ses contacts diplomatiques en se rapprochant de la fédération de Russie et de son puissant représentant sur place, le groupe paramilitaire Wagner. Il a d’ailleurs reçu le 14 janvier l’ambassadeur de Russie en Côte d’Ivoire pour lui signifier son intention d’ouvrir une représentation diplomatique russe à demeure à Ouagadougou. L’ambassadeur Alexey Saltykov et le premier ministre Apollinaire Joachimson Kyelem de Tambela avaient alors longuement échangé pour discuter des futurs relations politiques, diplomatiques, commerciales, technologiques, culturelles et surtout militaires entre les deux pays ayant des intérêts communs. Le Burkina a peu à offrir si ce n’est la création d’usines agroalimentaires pour fournir la Russie mais elle attend beaucoup en matière énergétique, technologique et alimentaire de la part du géant Russe. Ce dernier y gagne surtout un nouvel allié diplomatique et militaire en Afrique au détriment de la France qui a pris acte de la décision souveraine du gouvernement burkinabé et accepté de retirer ses troupes d’ici un mois. Le rapprochement doit d’ailleurs se concrétiser et se renforcer à l’occasion d’une nouvelle visite du capitaine Ibrahim Traoré en Russie à l’occasion du sommet “Russie-Afrique” que le président Vladimir Poutine a judicieusement programmé en juillet 2023 à Saint Petersbourg avec notamment la présence du colonel Assimi Goïta du Mali ! En réalité, même si cette décision peut se justifier auprès du peuple qui ne voit pas de progrès dans la lutte contre le djihadisme et se laisse séduire par la propagande anticolonialiste et anti-impérialiste française et occidentale des médias pro-russes, il n’en demeure pas moins qu’elle pourrait coûter cher à l’économie du pays. Le Burkina Faso espère ainsi diversifier ses partenaires et réduire sa dépendance vis-à-vis de la France ou des Etats-Unis mais ces derniers ont déjà commencé à réagir et d’autres partenaires régionaux pourraient au contraire tourner le dos au Burkina.
La fin de l’intégration régionale
Ainsi, les Etats-Unis ont très vite réagi en excluant le Burkina Faso des accords de l’AGOA qui lui permettait de bénéficier d’une exemption de taxes douanières pour ses échanges avec les Etats-Unis. Ces derniers suppriment également plusieurs programmes économiques de coopération et d’aide au développement pour des montants approchant le milliard de dollars. Ces exclusions n’auront pas d’effets immédiats car les exportations du Burkina en Amérique sont très peu importantes mais c’est un signal diplomatique fort envoyé par Washington en réaction au rapprochement avec la Russie. De même, la Communauté des Etats Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a déjà condamné le coup d’Etat en octobre, prévoit de réunir une session extraordinaire de son Parlement en Guinée-Bissau entre le 30 janvier et le 3 février pour notamment décider du sort du Burkina Faso dans le projet de monnaie commune, d’union douanière et de connexion des systèmes de paiement interbancaires dans la région après avoir suspendu le Mali et la Guinée respectivement après les coup d’Etat de mai et de septembre 2021. Des représentants des deux plus importantes institutions monétaires régionales, l’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest et l’Institution Monétaire de l’Afrique de l’Ouest, devraient animer les débats avec les délégués politiques qui seront certainement dominé par les voix du Nigéria, chef de file des pays anglophones, et de la Côté d’Ivoire, qui a longtemps défendue le Franc CFA. De son côté, la France semble chercher des appuis régionaux pour réintégrer le Burkina Faso dans sa sphère d’influence en Afrique et repousser la menace de l’implantation de la Russie et de son inquiétant groupe Wagner. Le président Macron a ainsi reçu Alassane Ouattara, son homologue Ivoirien, à l’Elysée le 25 janvier pour notamment évoquer la question sécuritaire en Afrique de l’Ouest et lui confier la mission de reconquérir le cœur de ses voisins du Nord, mission peu évidente mais indispensable sur le plan géopolitique. Le Burkina pourrait ainsi sortir de la zone CFA mais la CEDEAO pourrait lui refuser l’entrée dans sa nouvelle zone monétaire.
Exclu de la zone ECO ?

Le projet de création d’une monnaie commune en Afrique de l’Ouest date déjà des années 60 mais il a sans cesse été repoussé alors que de nouveaux Etats se portaient candidats pour y adhérer. En 2009, les cinq pays anglophones de la “Zone Monétaire Ouest Africaine” s’étaient mis d’accord sur les termes du rapprochement avec les huit membres de la zone CFA, rejoints par le Libéria et le Cap Vert. Malheureusement, le projet qui devait se concrétiser en 2015 avait été repoussé puis relancé en 2018 lors de la conférence d’Abuja. A cette occasion, tous les membres avaient validé le nom de la nouvelle monnaie et lancé un concours pour en définir l’aspect et les thèmes à faire apparaitre sur les pièces et les billets. En juin 2019, les responsables financiers s’étaient également mis d’accord sur les critères de convergence pour aboutir à la mise en place d’une monnaie commune avec une dette contrôlé à moins de 70% du PIB, une inflation stabilisée sous la barre des 10% et un déficit inférieur à 3% du PIB mais seule le Togo en respectait alors les critères. Les Banques centrales étaient prêtes à collaborer et la France avait même accepté d’abandonner le Franc CFA en supprimant, fin 2020, l’obligation de déposer 50% des devises à la Banque de France et en retirant ses représentants auprès de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest, tout en assumant la responsabilité de garantir la convertibilité en euros, gage de stabilité indispensable pour la nouvelle monnaie. Malheureusement encore, la pandémie est passé par là et a contraint les Etats membres à repousser le projet à 2027. En effet, force est de constater que les écarts de développement et de richesse sont encore trop importants avec quatre pays, le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, qui à eux seuls assurent plus de 90% du PIB de l’ensemble de la zone. Le Burkina, lui, est toujours inscrit sur la liste des “Pays les Moins Avancés” pour ne pas dire les plus pauvres de la planète et il n’est pas sûr que la Russie ou même la Chine puisse sauver le pays s’il s’éloigne de la France et de ses voisins car la solidarité économique n’est pas encore acquise et les puissances régionales refusent de travailler avec des Etats instables ou dont le gouvernement n’est pas encore démocratiquement élu. La récente décision du gouvernement de faire appel à la générosité de son peuple pour financer la lutte contre le djihadisme et les groupes rebelles n’a pas eu le succès escompté. Le “Fonds de soutien patriotique” peine à récolter 350 millions de Francs CFA de promesse de dons contre plus d’un milliard attendu et une partie de la population ne cache déjà pas son mécontentement et sa déception. Les mois qui viennent devraient être décisifs pour le Burkina Faso “la patrie des hommes intègres” !
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