La terre recèle quantité de trésors… Nous en avons déjà déniché quelques-uns, parmi les plus légendaires de tous les temps. Mais, il serait injuste de ne pas évoquer ceux que l’océan qui gronde, et la mer , cachent encore soigneusement !…
« L’INVICIBLE ARMADA »

Ainsi en est-il des restes « trésoriers » de la plus grande flotte de guerre de l’histoire du monde : l’invincible Armada !
Harcelée, désemparée, démoralisée, l’immense flotte que Philippe II, roi d’Espagne, envoyait contre l’hérétique Angleterre entreprend, au mois d’août 1588, un lamentable retour. Fuyant la Manche gardée par les corsaires d’Élisabeth Ie, elle quitte Calais et contourne l’Écosse par le nord mais le vent et la mer se montrent pires ennemis que les Anglais. Plus de cinquante vaisseaux coulent et huit mille marins périssent dans la tourmente, noyés ou assassinés par les riverains des côtes déchiquetées où viennent s’écraser les lourdes coques remplies d’or.
La catastrophe espagnole marque le départ d’une longue chasse aux trésors engloutis qui est, encore aujourd’hui, loin d’être terminée.
C’est en 1588 que le roi d’Espagne Philippe II, champion de la Contre Réforme catholique européenne, décida de faire débarquer en Angleterre un corps expéditionnaire. Le royaume d’Élisabeth, rallié à l’anglicanisme depuis Henri VIII, apparaissait alors comme l’ennemi numéro un de l’Espagne, totalement dévouée à la cause « papiste ».
Rétablir la vraie religion et venger la mort de l’infortunée Marie Stuart constituèrent pour l’hôte de l’Escorial de puissants motifs d’intervention. Une flotte considérable fut ainsi chargée de transporter outre-Manche l’armée espagnole des Pays-Bas, mais celui qui devait la commander, le marquis de Santa Cruz, mourut prématurément et fut malheureusement remplacé par le duc de Medina Sidonia, chargé d’amener à pied d’oeuvre les dix-neuf mille soldats du gouverneur des Pays-Bas, Alexandre Farnèse. Cent-trente vaisseaux, manoeuvrés par plus de dix mille matelots, allaient constituer la flotte « invincible » permettant d’en finir avec l’Angleterre.
La concentration des bâtiments, qui devait se faire à Dunkerque, fut considérablement gênée par la tempête. Les navires subirent ainsi de nombreuses avaries, avant même d’avoir été engagés. Les interventions des corsaires anglais, notamment celles du célèbre Francis Drake, de Hawkins, de Raleigh et de Frobisher, ne laissèrent aucun répit à l’envahisseur, qui dut affronter constamment les effets du mauvais temps. L’incapacité de Medina Sidonia et les hésitations d’Alexandre Farnèse aggravèrent encore la situation des Espagnols.
La flotte fit le tour des îles britanniques, sans cesse menacée par ses adversaires qui mirent à profit, malgré leur infériorité numérique, toutes les occasions de lui porter des coups sensibles. L’affaire se termina en désastre.
Or, il arriva que bien des années sinon des siècles plus tard, des chercheurs de trésors trouvèrent par le plus grand des hasards, quelques bijoux vite identifiés comme étant la propriété des marins et des officiers de la gigantesque flotte de l’armada invincible, ou réputée telle.
Cette trouvaille se situait à Port Na Spaniach. Port Na Spaniach est hors du monde… En effet, au nord de l’Ulster, la partie anglaise de l’Irlande, se trouvent non loin de l’île Rathlin, le château de Dunluce. Port Ballintrae, la baie de Bushmills, où se jette la rivière Bush, la Chaussée des Géants et Port Na Spaniagh.
Ce dernier nom a frappé tous les chercheurs de trésors. Il évoque évidemment le mot « spaniard » qui signifie, en anglais « espagnol ». Pourtant, toutes les archives datant du XVIe siècle ont donné comme lieu du naufrage de la « Girona » Port Ballintrae et Bushmills. C’est pourquoi les plongeurs qui se sont risqués dans ces eaux froides agitées ont fouillé très soigneusement les alentours de la baie de Buhsmills, délaissant Port Na Spaniagh, ignoré des témoins de l’époque.
Le chercheur Robert Sténuit, après avoir compulsé pendant des années les archives espagnoles belges, parisiennes et londoniennes, élabora peu à peu sa propre théorie. Les Irlandais, occupés à récupérer discrètement les canons, l’or et l’argent, n’auraient-ils pas menti aux Anglais venus les interroger sur le désastre espagnol ? Mensonge efficace puisque, plusieurs siècles plus tard, personne n’avait encore retrouvé l’épave de la Girona. La tradition qui avait donné à ce coin d’Irlande le nom surprenant de « Port aux Espagnols », n’était-elle pas plus fiable que les comptes rendus officiels ? C’est le pari que fit Robert Sténuit et c’est pourquoi il décida, au mois de juin 1967 d’explorer en compagnie de son ami Marc Jasinski, les fonds de Port Na Spaniagh.
L’épave que les chercheurs traquent est la Girona vaisseau de l’Armada espagnole, qui aurait dû échouer là !
Robert Sténuit a raconté son aventure et sa fabuleuse découverte : « J’ai franchi la surface, le silence s’abat sur moi. Le froid mord mon visage, perce mes sinus, je descends lentement en me déhalant le long de la ligne de mouillage. Tout est gris, tout est vert tout est brun. Le courant de marée tire à un noeud au moins vers l’ouest. Le grappin n’accroche que la thalle d’une laminaire, une longue tige luisante, collée à la roche par son large crampon, qui se termine au-dessus de ma tête par la large fronde brune. Je le cale entre deux blocs et j’attends un peu pour m’habituer à ce froid.
Si ce Port Na Spaniagh a reçu le premier son épithète espagnole et l’a donnée par extension aux rochers et à la grotte voisine, alors la Girona est dans la baie. Si c’est le rocher, au contraire, qui a reçu le nom le premier, alors c’est là qu’il faut chercher. J’ai décidé de commencer par le port aux Espagnols, par les deux récifs couverts à marée haute, qui forment au milieu de la baie, un efficace piège à bateaux. Je gagne au compas la base des deux cailloux. Les sédiments remués par le gros temps ne sont pas retombés encore ; dans la soupe où je nage, on n’y voit pas bien loin, à quatre mètres, pas davantage. Je tourne autour de l’un, puis de l’autre, plusieurs fois : rien. C’est un fond rocheux chaotique. Je fais au compas quelques passages systématiques parallèles vers le sud : rien. Je pars plein sud-est vers la pointe Lacada. Je palme très lentement en m’efforçant d’observer le fond sans voir les algues mouvantes qui vont et viennent avec la houle, un peu comme on fixe la route en ignorant les balais des essuie-glaces.
Je m’arrête ici dans une fissure pour remuer trois pierres, là pour éventer le sable : rien. L’aiguille de mon bathymètre remonte lentement du 10 vers le 7. Soudain, une falaise immergée me barre la route . Voyons, ah oui, ça doit être le versant est de Lacada Point. Bien, suivons le vers le nord. La falaise longe une vaste esplanade qui s’achève devant un bloc énorme. Là, une forme blanche accroche mon regard. Ho ! Ho ! J’approche c’est un saumon de plomb.
Des phrases me sautent en mémoire. Je me revois sous la coupole bleu et or de la bibliothèque du British Museum, dévorant le récit d’un nommé Boyle, qui avait découvert en Donegal, à la fin du XVIIIe siècle, une autre épave de l’Armada. Avec quelques autres jeunes gens, bon nageurs et plongeurs experts, il y trouva outre quelques pièces d’or et des canons de bronze, une pièce de plomb qu’il supposa être du ballast, longue d’un yard, triangulaire de section, pointue aux deux bouts et se faisant large au milieu. C’est la description exacte de mon lingot. Je le retourne en m’arc-boutant péniblement et je vois qu’il porte cinq croix de Jérusalem, estampées sur la face supérieure… »
Il y avait parmi les trésors découverts à Port Na Spaniagh, des boutons de pourpoint en or, des bagues, dont l’une marquée du symbole I.H.S. appartenant sans doute à un chanoine du Saint Sépulcre ou à un jésuite, un reliquaire en forme de livre, le médaillon fleurdelisé d’un chevalier d’Alcantara et une croix de Malte.
La découverte de la Girona était la première épave de l’invincible Armada. Il y a fort à parier que le reste de la flotte espagnole, du moins celle qui a sombré, corps et biens, n’est pas bien loin de la Girona et reste toujours l’ambition et le but des chercheurs de trésors, et des aventuriers.
LA MER, TAPISSÉE DE TRÉSORS

Il serait fastidieux d’énumérer tous les trésors que gardent jalousement, les mers du globe. Après l’invincible Armada, d’autres flottes conquérantes ou marchandes ont sombré, engloutissant des fortunes en or, en argent, en métaux précieux, voire en diamants, certaines ont été retrouvées et encore partiellement, d’autres attendent encore.
Ainsi cette épave mythique : le Flor de la Mar ! A la fin des années soixante, quelques retentissantes trouvailles avaient laissé penser que nous n’étions qu’à l’aube d’une ère de découvertes. En 1967, Kip Wagner, un retraité de Floride, qui aimait à éplucher des documents anciens dans les archives de Séville, avait, avec l’aide d’un plongeur connu Mike Hrebo, découvert des épaves de la « flotte d’argent » en Floride, entre Sebastian et Fort Pierce. Cette flotte avait coulé près de la côte, le 31 juillet 1715. Kip Wagner remontera 30 000 monnaies en or, 50 kg d’argent, une chaîne d’or de 3,50 m de long.
Ce navire portugais du XVIe siècle, réputé un des plus somptueux trésors de la planète. C’est le plus riche navire qui ait jamais disparu en mer. Il faut dire que sa cargaison est estimée à 20 billions de dollars ! Il emportait 20 tonnes d’or en lingots et en statues, 200 caisses de diamants et autres pierres précieuses. Le Flor de la Mar était le navire amiral de Alfonso de Albuquerque, qui mena une partie de la conquête sanglante des Portugais en Afrique, en Inde et en Asie du Sud-Est. En 1512, Albuquerque embarque en Malaisie le butin recueilli au cours des dix années précédentes. Le navire sera escorté par une jonque chinoise et par deux autres navires portugais. Le roi Manuel de Portugal attendait avec impatience cette fortune, mais le Flor de la Mar fut pris dans une tempête au nord de Sumatra. Il coula avec les 700 personnes qui étaient à son bord, dont cinq seulement survécurent. Albuquerque revint au Portugal où il mourut peu de temps après. Du trésor fabuleux on ne peut rien récupérer.
La recherche du Flor de la Mar a déjà coûté quelque 20 millions de dollars. Les seuls problèmes à régler sont d’ordre diplomatique, entre les gouvernements de Malaisie et du Portugal qui revendiquent tous deux une part du trésor.

Plus prestigieux ou légendaire le trésor de la « Santa Maria » . Le 24 décembre 1492, coulait sur les côtes nord d’Haïti un des navires de Christophe Colomb : Le Santa Maria. Colomb revint en Espagne avec un autre navire, le Niña. Ce bateau est devenu un mythe pour beaucoup de chasseurs de trésors car, s’il ne contient certainement que peu d’objets précieux, sa valeur historique et archéologique est évidemment inestimable !
Et il en existe ainsi quantité d’autres à retrouver et surtout à remonter à la surface, ce qui rend les choses bien difficiles. Sans parler de la législation qui augmente encore les difficultés. Il faut savoir qu’en France, pour ne citer qu’elle, et en matière de trouvailles sous-marines, la législation est abondante : article 717 du Code, loi du 24 novembre 1961 (dite « loi Malraux »), décret du 26 décembre de la même année, décrets des 3 août 1978, du 23 novembre 1982…
Tout va dans le même sens : les épaves présentant un intérêt archéologique, historique ou artistique appartiennent à l’État. L’inventeur de ce type de trésor n’a aucun droit sur sa découverte. Il a seulement vocation à une indemnisation ou à une rémunération éventuellement en nature et fixée par voie administrative. Toute personne qui découvre une épave est tenue, si possible, de la mettre en sûreté, et d’en faire déclaration à l’administration des affaires maritimes dans les 48 heures.
En somme, si on est bon plongeur, si on a quelques bons revenus, si on est un érudit, si, surtout, on a de la chance, et si on est un tant soit peu avocat… on peut relever des trésors marins…
Ce qui en fait… des Si !