Le 31 mars 2014, la Tour Eiffel a fêté ses 125 ans. Comment peut-on imaginer que ce monument symbole mondial de Paris et de la France, avait été construit pour, au final, être détruit à l’issue de l’exposition universelle de 1889 ? Et sa construction même avait, à l’époque, soulevé les protestations de nombreux artistes et personnalités : « un squelette de beffroi » pour Verlaine, un « squelette disgracieux » pour Maupassant, un « lampadaire tragique » pour Léon Bloy… Et pourtant, elle est toujours là aujourd’hui, second monument le plus visité de France, après la cathédrale Notre-Dame de Paris.
UN PEU D’HISTOIRE TECHNIQUE
Le XIXe siècle est caractérisé par une révolution industrielle sans précédent qui voit, en particulier, un essor exceptionnel de la métallurgie. Cette technologie nouvelle va, au départ, en terme d’architecture, être essentiellement utilisée pour la construction de ponts, comme en 1803 le Pont des Arts, à Paris, en face de l’Institut. L’invention du « fer laminé », au milieu du XIXe siècle, va peu à peu remplacer la fonte et produire un nouveau métal plus économique, plastique et résistant. Baltard en fera bon usage pour la construction des Halles de Paris. On retrouvera cette technique pour les Galeries Lafayette ou la gare du Nord. Un jeune ingénieur, Gustave Eiffel, fasciné par le métal, va l’inscrire dans ses projets. Il apparaît ainsi dans la structure métallique de la statue de la Liberté mais aussi dans de nombreuses réalisations de ce qui est devenu les Entreprises Eiffel au travers le monde.
L’EXPOSITION UNIVERSELLE

Cette mode des expositions dites universelles, née en 1756 à Londres, a pour but de servir de vitrine au pays qui les accueille, et d’en démontrer le savoir-faire technique, artistique, culturel… Celle de Paris en 1889 va occuper 50 ha entre le champs de Mars et le Trocadéro. Elle est marquée par quelques nouveautés : une reconstruction de la Bastille, un village indigène, le spectacle de Buffalo Bill, une visite du site en chemin de fer… La technologie nouvelle du « verre plat » permet à Saint Gobain de fournir des dizaines de milliers de mètres carrés de surfaces vitrées. L’électricité est la reine de l’exposition, qui est aussi marquée par l’émergence de l’école de Nancy et l’arrivée de l’Art nouveau en France. Avec plus de 60.000 exposants (venus de 35 pays) et de 32 millions de visiteurs, cette exposition universelle est un immense succès. Y compris financier car, avec 41,5 millions de francs de dépenses, elle en a rapporté près de 50 millions.
UN PROJET UN PEU FOU

En 1889, la France, et surtout Paris, envisage d’accueillir une exposition universelle d’exception. En effet, c’est le 100e anniversaire de la Révolution française qui doit être ainsi commémoré.
Ce projet vise à relancer l’économie française au travers de grands travaux, de fédérer les citoyens autour d’un grand projet, de redonner à la France son rang parmi les plus grands. Bref, d’asseoir la notoriété de cette encore jeune IIIe République. Et ce projet de tour, la plus grande du monde à cette époque, doit en être le symbole le plus éclatant. L’exposition universelle durera du 6 mai au 31 octobre 1889.
Les projets démarrent dès 1884, avec la signature par le président Jules Grévy, de deux décrets organisant l’Exposition. Un concours est lancé en 1886 par Edouard Lockroy, ministre du Commerce et de l’Industrie. Et c’est Gustave Eiffel, spécialiste de la charpente métallique qui le remporte. Le projet initial est dû aux ingénieurs Maurice Koechlin et Emile Nouguier, du bureau d’étude Eiffel. Et cette construction sera longtemps synonyme d’exploits : 2 ans, 2 mois et 5 jours pour la construire et 250 ouvriers. Elle sera, pendant 41 ans, la plus haute structure du monde, détrônée seulement en 1930 par le Chrysler Building de New York. En revanche, bizarrement, son succès, en terme de visite, reste assez faible. Il ne deviendra massif qu’à partir des années 1960. Récemment, l’institut culturel Google a ouvert au public un site offrant au public une cinquantaine d’images, plans, gravures et photos du fond patrimonial de la Tour Eiffel ainsi qu’un enregistrement audio de la voix de Gustave Eiffel.
1909 : LA TOUR, C’EST FINI ?

La concession d’origine prévoyait une exploitation de 10 ans puis, comme nombre des bâtiments de l’Exposition Universelle, un retour de sa propriété à la ville de Paris et une destruction pure et simple. En fait, ses diverses utilisations, non prévues lors de sa construction, vont en pérenniser l’existence. Les expériences scientifiques vont sans cesse s’y succéder : manomètre géant, pendule de Foucault, station météorologique, résistance du vent, aérodynamique, liaison téléphonique, émetteur de TSF, puis de télévision… En revanche, en 1944, elle échappe de justesse au projet de destruction des monuments de Paris au moment de la Libération de la capitale.
NUMISMATIQUE DE LA TOUR EIFFEL !
MÉDAILLES ET JETONS
Dès l’inauguration de la tour, elle inspirera les graveurs qui vont créer un grand nombre de médailles et de jetons à son effigie, plus ou moins réussie. Les plus courantes sont les médailles commémoratives de son ascension. On peut en acquérir dès 1889 et même y faire graver son nom. L’avers montre en son centre, la tour et, de part et d’autre, les autres plus hauts monuments du monde : la Grande Pyramide, l’Obélisque de Washington, le Panthéon, Notre Dame, l’Opéra… Une autre version de ce « souvenir de l’ascension », porte à l’avers trois ouvriers torse-nu s’affairant autour de structures métalliques. Depuis lors, jetons-souvenirs et médailles diverses ont fleuri. En 1889, le grand graveur Daniel Dupuis, réalise pour la Monnaie de Paris, une médaille de « l’administration des monnaies et médailles » qui présente, à l’avers, la Tour Eiffel devant une vue des pavillons installés sur le Champs de Mars.
PIÈCES

Un décision ministérielle du 25 mai 1889 a autorisé l’installation d’une presse monétaire dans un local de l’Exposition Universelle pour qu’y soient frappées quelques pièces de circulation courante devant le public. Une centaine d’exemplaires seulement y seront frappées « sur flans brunis », rendant cette émission exceptionnellement rare. On y trouve des pièces d’argent de 5 francs « Hercule », 2 francs, 1 franc, 50 et 20 centimes « Cérès » dont le tirage a été de 100 exemplaires seulement.
En 1989, une pièce de circulation courante d’une valeur faciale de 5 francs est frappée par la Monnaie de Paris. Elle fait suite à un concours monétaire remporté par Joaquin Jimenez et Frédéric Joubert. En 1989, cette pièce recevra le très prestigieux prix américain « Coin of the Year ». Outre celle en cupro-nickel, il existera des versions en argent, en or et même en platine.
Nouvelle apparition en 1994 sur une pièce en or de 500 francs célébrant le centenaire du Comité Olympique International.
A l’occasion de la Coupe du Monde de Football en France, en 1996, la Monnaie de Paris inscrit une pièce de 100 francs « France » qui montre un footballeur jouant sous la Tour. Même esprit pour cette monnaie d’Andorre en argent d’une valeur faciale de 10 diner montrant la Tour Eiffel devant un énorme ballon de football. Elle fait une fugace et discrète apparition en 2000 dans la série « Europa » sur la monnaie présentant « l’Art nouveau ».

En 2001, elle réapparaît dans une série française dite « monuments de France », de 10 et 100 francs montrant à la fois le monument vu de haut et des détails de sa structure.
En 2007, les îles Cook font frapper une impressionnante monnaie d’argent d’une valeur faciale de 10 $ sur laquelle la Tour Eiffel, dorée, peut être relevée verticalement par rapport à la surface de la pièce.
En 2008, à l’occasion du 150e anniversaire des relations diplomatiques France-Japon, elle figure deux fois : en arrière plan d’un paysage traditionnel ancien japonais et, en silhouette, se détachant sur un kimono.

En 2009, une 10 euros française en argent, qui s’inserre dans la série « Grand capitaines d’industrie », célèbre Gustave Eiffel, la fait figurer au revers. Cerise sur le gâteau, et exploit technique de la Monnaie de Paris, le profil de la tour est découpé en creux dans la pièce, laissant apparaître un vide très original.
En 2010, les lointaines Iles Palau frappent une pièce colorisée en argent d’une valeur faciale de 5 $ proposant une vue de la « Eiffel tower » dans la perspective du champs de mars. Si la 10 euros, de circulation courante, consacrée en 2010 à l’Île de France, ne la montre pas, la Monnaie de Paris s’est rattrapée en 2011, avec une vue du monument en contre-plongée.
En 2013, ce sont d’originales pièces ovales de 2 dollars argent et 100 dollars or des Iles Niue, qui présentent la Tour au centre de plusieurs autres célèbres monuments européens (le Tower Bridge de Londres, le Colisée de Rome, le Parthénon d’Athènes, les cathédrales Saint Basile de Moscou ou Saint Stéphane de Cologne).
Et la plus récente est cette très étrange monnaie des Iles Vierges Britanniques qui vient de sortir. En argent, d’une valeur faciale de 10 $, elle n’est pas ronde mais épouse exactement la silhouette du monument. Du coup, le buste de la reine et les légendes doivent s’insérer, avec difficulté, au revers de la pièce, dans ce profil.
Dans la série consacrée aux « Rives de Seine », classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, la Monnaie de Paris a frappé en 2014 une pièce consacrée à la Tour Eiffel (5 valeurs faciales : 400, 200 et 50 euros en or, 50 et 10 euros en argent). Elle présente, à l’avers, un profil de la Tour intégralement brillant, tandis que l’arrière plan met en valeur l’architecture métallique du monument. Entre les piliers figurent les grandes fenêtres du Palais de Chaillot, vis-à-vis de la Tour de l’autre côté de la Seine.
Le revers, commun à la série, se divise en deux. A gauche, figurent la valeur faciale et le logo de l’UNESCO et à droite une vue aérienne de l’emplacement de ces deux monuments. Ces deux parties sont reliées, au bas, par une représentation du parcours de la Seine dans Paris. Les deux petits points, sur la gauche, figurent l’emplacement de ces deux monuments. Ils se déplacent ainsi sur les autres pièces de la série, au gré des nouveaux monuments ainsi célébrés.
BILLET
Mais ce monument n’a pas été oublié sur les billets. Pour preuve ce billet, pas encore si ancien, de 200 francs « Gustave Eiffel » qui a succédé, le 29 octobre 1996, au 200 francs Montesquieu. Ce sera le dernier de cette valeur faciale avant le passage à l’Euro. Créé par le graphiste suisse Roger Pfund, il vient compléter la série des Saint-Exupéry, Paul Cézanne et Pierre et Marie Curie.
Imprimé jusqu’en 1999, il est retiré de la circulation le 18 février 2002 et cesse d’avoir cours légal le 17 février 2012. LaTour Eiffel y apparait trois fois sous des angles différents. Tout d’abord, au verso, où l’on apperçoit les piliers et la base avec vue sur l’ancien palais du Trocadéro tel qu’il existait en 1900. Mais elle figure également au recto, au centre, où une partie de sa silhouette est imprimé, et sur le bord extérieur gauche, où une vue stylisée de la base de la tour est imprimé en vert fluorescent.