Les principaux métaux « monétaires » que sont l’or, l’argent et le cuivre traversèrent les siècles pour n’être remplacés (du moins en apparence) par des alliages qu’à partir du début du XX e siècle. En fait, l’utilisation volontaire ou non, d’alliages métalliques apparaît en même temps que la monnaie elle-même et, les métaux monétaires ont, pour de multiples raisons, rarement été utilisés purs. Petite revue de ces alliages.
L’ANTIQUITÉ

La maîtrise de la fusion des métaux et de leurs alliage est apparue relativement tard. Pourtant, le premier métal monétaire, nommé électrum est un mélange naturel d’or et d’argent. Il est issu des paillettes de métaux mélangés que l’on trouvait dans le fleuve Pactole, en Lydie (aujourd’hui Asie Mineure) vers 600 avant Jésus-Christ. Les premières monnaies ressemblent à une goutte de métal en fusion sur laquelle on aurait apposé une empreinte. Sans doute incapables de séparer les deux métaux dont les paillettes étaient mêlées, les premiers monnayeurs ont utilisé cet alliage naturel. On en retrouve l’usage dans les monnaies de la cité grecque de Cyzique comme dans certaines monnaies gauloises.
En revanche, la Lydie décida, sous Crésus, rapidement de frapper des pièces d’or ou d’argent pur car l’inconvénient de l’électrum était que sa composition était trop variable, en fonction de la proportion des deux métaux. Un autre alliage antique, l’Orichalque, alliage de cuivre et de zinc (on dirait aujourd’hui laiton) de couleur plutôt jaune, semble avoir été utilisé en premier par Mithridate VI Eupator (11 – 63 avant Jésus Christ), roi du Pont (Asie Mineure).

Cet usage se poursuivra sous l’Empire romain pour la frappe de sesterces ou dupondii. Le billon apparait également lors de cette période. Il s’agit d’une alliage de cuivre et d’argent dans lequel la proportion d’argent est inférieure à 50 %. On en trouve fréquemment dans le monnayage gaulois. Enfin, le bronze (ou airain), fréquemment utilisé, est un mélange de cuivre et d’étain ou de plomb.

Dans le monde celtique, il est plus connu sous le nom de potin car il s’agit d’un alliage spécial à basse température de fusion utilisé pour la fabrication de monnaies par moulage.
L’ OR ET L’ARGENT
Ces deux métaux monétaires « classiques » sont, en fait, rarement utilisés purs. Pourquoi ? D’une part parce que ce sont des métaux naturellement trop « mous » qui seraient trop facilement soumis à une usure prématurée si l’adjonction d’autres métaux ne venait les durcir. Pour l’or, par exemple, on peut y ajouter de l’argent ou du cuivre, du palladium ou du nickel, ou plus rarement, du manganèse, de l’aluminium, du fer ou de l’indium. Ces adjonctions peuvent en faire varier la couleur du jaune au rose ou au « blanc ».

Même remarque pour l’argent qui est fréquemment, allié à du cuivre. Et cela a son importance. C’est souvent sur cette variation des titres (rapport entre le métal précieux et son alliage) que jouèrent les souverains ou les faussaires afin de gagner un peu plus sur la fabrication des monnaies. C’est, par exemple, ce qui valut à Philippe le Bel le nom de « roi faussaire » pour avoir abaissé le titre de ses monnaies. Une forme de dévaluation en somme !
Mais sans remonter au Moyen-Age, on peut noter que les premières pièces de 10 Euros des Régions étaient en argent 900‰ alors que les suivantes, de même valeur faciale, ne sont plus que de… 500‰. A contrario, les monnaies d’investissement contemporaines, dites « bullion coins » sont, presque toujours, en métal pur nommé 999‰. Et très naturellement, les plus gros producteurs de ces pièces sont des pays également producteurs de ces métaux comme la République Sud Africaine (Kruger Rand), le Canada (Mapple Leaf), l’Australie (Kangourou)…
LES ALLIAGES MODERNES

Pendant le XIXe siècle, de nombreux alliages monétaires nouveaux furent testés, sans réellement déboucher sur des frappes massives. On peut raisonnablement admettre que c’est avec la Première Guerre Mondiale que le phénomène va complètement basculer du monnayage traditionnel (or, argent, cuivre ou bronze) à une fabrication qui se poursuit encore de nos jours.
Par exemple, c’est en 1819 que les deux Lyonnais Maillot et Chorrier mettent au point un alliage de cuivre, zinc, nickel, plomb et étain ou fer qui va porter leur nom, le maillechort. Ce métal est très résistant et ressemble beaucoup à l’argent.
Il intéressa longtemps la Monnaie de Paris qui en fit nombre d’essais : une 2 francs en 1851, des 2, 5 et 10 centimes en 1852-1853, mais aussi de nombreux autres sous le Second Empire. Cela se poursuivra sous la Troisième République pour aboutir à la frappe des pièces de 5 et 10 centimes « Lindauer » en 1938-39. Une anecdote à ce sujet : pourquoi ces pièces aux types « Lindauer », qui apparaissent en 1914, sont-elles trouées ? Cela ne correspond à aucune habitude monétaire française. C’était tout simplement pour mettre en garde les usagers que, malgré leur aspect, il ne s’agissait pas de monnaies d’argent.

Autre alliage qui, lui, va devenir très populaire, le cupro-nickel. On en connait une brève émission durant l’Antiquité, en Bactriane (royaume situé près de l’actuel Afghanistan), sous les règnes de Euthydeme II, Pantaléon et Agathocles (début du IIe siècle avant Jésus-Christ). Aujourd’hui, la majorité des pièces de circulation courante sont fabriquées dans cet alliage qui peut aussi, parfois, recevoir une petite quantité d’aluminium.
Ce que l’on nomme aujourd’hui alliage nordique, utilisé pour nos pièces en euro de 10, 20 et 50 centimes, en est une variante contenant 85 % de cuivre, 5% d’aluminium et 1% d’étain. Même remarque pour les alliages de bronze dont les deux principaux usités sont le bronze d’aluminium (comme sur les pièces de 5, 10, 20 et 50 centimes « Lagriffoul ») ou le bronze de nickel. Les Italiens ont même utilisé le bronzital, mélange de cuivre, d’aluminium et de titane.
ET LES AUTRES ?
L’utilisation du plaquage est de plus en plus répandu. Jadis, il ne s’agissait que d’apposer une mince pellicule de métal sur un flan fabriqué dans un autre métal, par exemple plan en cuivre et plaquage en argent. Si cela permettait juste de donner une couleur différente, l’inconvénient était l’usure rapide. Aujourd’hui, de grands pays comme le Canada ont opté pour le plaquage « multicouche » qui consiste à plaquer des couches successives de métaux tels que le cuivre, le nickel ou le laiton sur un noyau en acier, processus beaucoup plus rapide et économique que l’alliage. De plus, cela offre une plus grande sécurité grâce à une meilleure gestion de l’empreinte électro-magnétique des pièces.

Les nouvelles pièces de 1 et 2 $ canadiennes sont fabriquées selon cette technique. Depuis 1999, certaines de ces pièces, en particulier pendant la période de test, ont été marquées d’un petit P afin de le différencier des autres monnaies de fabrication traditionnelle. D’une année à l’autre, ce ne sont donc pas les mêmes coupures qui ont fait l’objet de tels « essais » et leur valeur est, de ce fait, supérieure à celle des monnaies courantes de ces années.
Enfin, depuis 1982 et l’arrivée sur le marché de la pièce italienne de 500 lires, on utilise de plus en plus de monnaies bimétalliques. Il ne s’agit pas là d’un nouvel alliage mais d’une simple technique de frappe qui offre une meilleure sécurité contre la contrefaçon. On connait quelques émissions exceptionnelles de monnaies utilisant deux métaux dans l’Antiquité mais c’est surtout au XIXe siècle que de nombreux essais furent menés (cuivre ou bronze et argent essentiellement).
Aujourd’hui de très nombreux pays du monde utilisent ce type de pièces, en particulier pour celles à forte valeur faciale. La France s’est distinguée en ce domaine avec la pièce trimétallique de 20 francs.
Alors, ne vous laissez pas berner par la couleur des pièces que vous avez en main car les faussaires vont vous transformer aisément le laiton… en or.