[MONNAIES ROYALES] par Gildas Salaün, responsable du Médaillier au Musée Dobrée à Nantes
En pleine Guerre de Cent Ans, au XVe siècle, mais plus encore au XIVe siècle, les grands seigneurs profitent de l’affaiblissement du pouvoir royal pour s’autoriser à battre de plus en plus de monnaies et en baissant la part de métaux précieux pour maximiser leurs profits ! Au surplus, pour mieux tromper marchands et négociants, ces émetteurs, qui n’étaient pas pour autant des faux-monnayeurs, copiaient les bonnes monnaies du Roi de France. Par leurs décors en trompe-l’œil, ces imitations monétaires sont souvent difficiles à distinguer de leurs prototypes royaux. Bien souvent, seule la légende diffère. Mais, encore faut-il savoir la lire…
Le cas de Charles de Blois (1341-1364), prétendant à la couronne de Bretagne devant faire valoir ses droits par les armes, éclaire particulièrement bien cette pratique.
Classement chronologique des imitations monétaires
Les sources archivistiques médiévales sont souvent muettes quant à la production monétaire dans les différentes grandes seigneuries du royaume. Aussi, pour établir la chronologie des imitations monétaires faut-il s’appuyer sur une analyse comparée avec leurs prototypes royaux bien documentés quant à eux. En effet, il est reconnu que lorsque le Roi fait émettre un nouveau type monétaire, les grands princes ne mettent que quelques semaines, voire quelques jours, pour en frapper des copies.
Un tel classement a été établi avec succès pour les monnaies de Charles de Blois ce qui permis de mettre en évidence l’évolution chronologique de ses productions monétaires. Au début de son règne, et dans le prolongement de son prédécesseur, Charles de Blois se limite à la frappe de monnaies de cuivre, en particulier des deniers et des doubles. À cette période, le contrôle royal exercé par Philippe de Valois (1328-1350) est encore très strict. Mais, profitant de l’affaiblissement de l’autorité royale et face à la nécessité croissante de ressources pour financer la guerre successorale qui l’oppose à Jean de Montfort, Charles de Blois lance une émission massive et régulière de grosses pièces d’argent à partir du milieu des années 1340. Enfin, ses besoins financiers allant toujours croissants, surtout avec la nécessité de payer sa rançon de 700 000 florins (soit deux tonnes et demie d’or) suite à sa capture à la bataille de La Roche-Derrien (22) en 1347, Charles de Blois s’autorise à émettre les premières monnaies bretonnes en or : des royaux en 1358, puis des francs à cheval en 1360.
Il est intéressant de remarquer que la production monétaire de Charles le Mauvais (1349-1387), Roi de Navarre et comte d’Évreux, et des ducs de Bourgogne connaît la même évolution durant ces années 1340 à 1360.
Parallèlement, et uniquement dans son atelier nantais, Charles de Blois fait frapper des imitations de monnaies flamandes. Cette frappe spécifique répondait à une nécessité commerciale imposée par le principe monétaire médiéval voulant que pour qu’une monnaie circule, elle doit être reconnue par ses usagers. En effet, les négociants flamands, remontant la Loire, étaient très présents à Nantes, notamment pour le commerce du vin et des toiles. Aussi, pour faciliter les échanges commerciaux, les Flamands effectuaient leurs achats en copies de pièces d’or françaises, tandis que leurs partenaires nantais leur rendaient la monnaie en copies de pièces d’argent flamandes…
Retrouvez la partie 2 le 26 mars 2019 !
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