Cette année, la Monnaie des États-Unis (US Mint) célèbre son 231e anniversaire. La Monnaie est l’une des rares agences fédérales dont les fonctions sont spécifiquement référencées dans la Constitution américaine, l’article I, section 8 établissant que « le Congrès aura le pouvoir. . . pour frapper monnaie ». L’actuelle United States Mint a été créée par le Coinage Act de 1792, adopté par le Congrès des États-Unis et promulgué par le président Washington le 2 avril 1792. Ce premier Coinage Act a établi le dollar en argent comme unité monétaire nationale et a autorisé l’installation du premier hôtel des monnaies des États-Unis.
Pendant la période coloniale, les transactions monétaires étaient traitées à l’aide de devises étrangères ou coloniales, de bétail ou de produits. Une variété de pièces circulait, notamment des livres sterling, des thalers allemands, des « reals de Ocho » espagnols et même certaines pièces produites par les colonies. Les grosses monnaies espagnoles, souvent issues des ateliers monétaires d’Amérique du Sud (Potosi) ou Centrale (Mexico) étaient les plus recherchées en raison de la constance de la teneur en argent au fil des ans. Pour rendre la monnaie d’un dollar, les gens coupaient parfois ces pièces en moitiés, quarts, huitièmes et seizièmes pour correspondre aux dénominations fractionnaires qui manquaient.

Après la Guerre d’Indépendance, les États-Unis étaient initialement régis par les articles de la Confédération, qui autorisaient chaque État à frapper ses propres pièces. En 1787, après de nombreux débats sur la monnaie nationale, le Congrès autorisa la production de centimes de cuivre appelés « Fugio cents ». Ils portaient, à l’avers, un cadran solaire et une chaîne de 13 maillons au revers.
En 1788, la Constitution a été ratifiée par une majorité d’États et des discussions ont rapidement commencé sur la nécessité d’un institut d’émission national. Le Congrès a choisi Philadelphie, qui était alors la capitale, comme site de cette première Monnaie. Le président George Washington a nommé un scientifique de premier plan, David Rittenhouse, comme premier directeur. Rittenhouse acheta deux lots dans les rues 7th et Arch pour les réunir et construire une installation de trois étages, le plus haut bâtiment de Philadelphie à l’époque. Ce fut le premier bâtiment fédéral érigé sous la Constitution.
Des débuts très difficiles…

La production de pièces a commencé immédiatement, mais elle a longtemps été très modeste. Cette même loi sur la monnaie spécifiait, tout d’abord, que le dollar serait divisé en 100 cents (bien avant la décimalisation des monnaies françaises) et, d’autre part, les dénominations des pièces à fabriquer : en cuivre, un cent et un demi-cent ; en argent, un dollar, un demi-dollar, un quart, un dime et une demi-dime ; et en or, un eagle (10 $), un demi-eagle (5 $) et un quart d’eagle (2,50 $). En 1792, durant la construction de la nouvelle Monnaie, 1.500 demi-dime en argent ont été fabriqués dans la cave d’un immeuble voisin.
Ces pièces ont probablement été distribuées à des dignitaires et à des amis et n’ont pas été mis en circulation. Ce n’est donc qu’en mars 1793 que la Monnaie met ses premières pièces en circulation : 11.178 cents de cuivre. Loin de faire l’unanimité, ces nouveaux cents ont provoqué un tollé général.
Tout d’abord, ils étaient d’une taille trop volumineuse pour une petite monnaie. Ensuite, leur design a été très mal reçu. À l’avers, l’image de Liberty, avec ses cheveux flottants derrière elle, semblait porter une expression « effrayée » sur le visage. Le revers comportait une chaîne de 15 maillons, trop semblable au « Fugio cent » et que certaines personnes estimaient qu’elle symbolisait davantage l’esclavage que l’unité des États.
Du coup, la Monnaie a rapidement remplacé la chaîne par une couronne et, quelques mois plus tard, a conçu une nouvelle version de Liberty. Malheureusement, du fait de la hausse du prix du cuivre, la Monnaie a eu du mal à mettre suffisamment de pièces en circulation. Du coup, en 1857, le Congrès a abandonné le demi-cent impopulaire et a réduit la taille du cent afin de réduire la quantité de cuivre nécessaire.
Du côté des pièces d’argent et d’or, la frappe a commencé en 1794 et 1795. Mais au début, ces pièces ne circulaient pas. Car le Coinage Act de 1792 avait fixé le rapport argent/or à 15:1, pas du tout en phase avec le marché mondial. Du coup, les pièces d’or américaines étaient sous-évaluées par rapport à l’argent, et étaient donc exportées et fondues. Même problème pour les dollars en argent qui étaient également exportés pour être utilisés dans le commerce international ou stockés sous forme de lingots.
Au début du XIXe siècle, les déposants tels que les banques fournissaient l’argent et l’or à la Monnaie pour la frappe et choisissaient aussi les pièces qu’ils voulaient ensuite récupérer. Leur préférence allant aux plus grosses coupures de chaque métal, la Monnaie a rarement frappé des pièces d’argent de plus petite valeur, pourtant nécessaires pour les transactions quotidiennes.
Grâce aux efforts du Congrès pour modifier le poids des pièces et le rapport or/argent, ainsi que l’adoption de nouvelle technologie de frappe et à l’ouverture de succursales dans tout le pays, la production a augmenté ; et de plus petites coupures sont entrées en circulation en nombre suffisant pour subvenir aux besoins du pays. Notez néanmoins, que ce n’est qu’à partir de 1857 que le Congrès a interdit les pièces étrangères comme monnaie légale.
L’ouverture de nouveaux ateliers
Au début des années 1800, l’Amérique a connu ses deux premières ruées vers l’or : d’abord en Caroline du Nord, puis en Géorgie. La demande faite à la Monnaie de Philadelphie de fondre, d’affiner et de produire des pièces à partir de cet or sont trop importantes pour ce seul hôtel des monnaies. En 1835, le Congrès adopte une loi créant trois nouvelles succursales situées à Charlotte, (Caroline du Nord), Dahlonega (Géorgie) et la Nouvelle-Orléans.
Les deux premières sont dédiées à la transformation de l’or des mineurs en pièces, tandis que la troisième frappe des pièces d’or et d’argent destinées à accompagner la croissance économique de l’Amérique. En 1861, au début de la guerre civile, la Confédération a pris le contrôle de ces trois installations, fabriquant sporadiquement de la monnaie confédérée jusqu’en 1862. Seule la Monnaie de la Nouvelle-Orléans rouvrira ses portes en 1879 pour produire des pièces d’argent et d’or jusqu’à ce qu’elle cesse ses opérations de frappe en 1909.

En 1849, commence la ruée vers l’or en Californie. Mais le transport de l’or vers l’est jusqu’à la Monnaie de Philadelphie prenait du temps et comportait beaucoup de risques. C’est pourquoi, en 1854, une succursale de la Monnaie ouvre à San Francisco pour convertir l’or des mineurs en pièces de monnaie. À la fin de cette année-là, la Monnaie de San Francisco a produit 4 084 207 $ en pièces d’or. La fièvre de l’or s’est propagée au Colorado en 1858, amenant des centaines de personnes à s’installer autour de la nouvelle ville de Denver.

En 1862, le Congrès souhaite installer un nouvel atelier à Denver, en achetant le bâtiment de Clark, Gruber and Company, une Monnaie privée. L’année suivante, l’installation de Denver a ouvert ses portes, mais seulement comme bureau d’analyse pour les mineurs, sans produire de pièces d’or, comme prévu à l’origine. C’est à partir de 1906 qu’il produit ses premières pièces d’or et d’argent. En 1864, en réponse à la ruée vers l’or de l’Oregon, le Congrès autorisa une succursale de la Monnaie à Dalles City, dans l’Oregon, et y construit un bâtiment. Elle ne fonctionnera jamais et le Congrès a fini par donner le bâtiment à l’État en 1875 pour l’utiliser à des fins éducatives.

La plus grande découverte de filons d’argent du pays, appelée « Comstock Lode », a été faite au Nevada en 1859. C’est pour absorber à nouveau ces quantités de métal précieux que la Carson City Mint a ouvert ses portes en 1870 pour frapper jusqu’à huit dénominations de pièces différentes jusqu’en 1899.
Avers et revers : un choix très strict
Le visage de « Lady Liberty » est apparu sur les pièces en circulation pendant plus de 150 ans. Lors de l’examen des options pour ces premières pièces, le Congrès a envisagé d’y mettre le portrait de George Washington, puis des présidents ultérieurs. Mais beaucoup pensèrent que mettre le président en exercice sur une pièce de monnaie ressemblait trop à la pratique de la Grande-Bretagne consistant à mettre en vedette leurs monarques.
Au lieu de cela, le Congrès choisit donc de personnifier le concept de liberté plutôt qu’une personne réelle. Qui plus est, elle avait été un symbole utilisé pendant la Révolution américaine. En raison des origines de Liberty, déesse gréco-romaine, les premiers modèles de pièces de monnaie la représentaient avec des vêtements, des traits du visage et des symboles de style classique.

Ce n’est qu’en 1909, que le portrait d’Abraham Lincoln l’a remplacé, Liberty sur le cent. Au fur et à mesure, des présidents apparurent aussi sur d’autres dénominations : le quarter en 1932 ; le nickel en 1938, le cent en 1946 ; le demi-dollar en 1964 ; et enfin, le dollar en 1971. La liberté est apparue pour la dernière fois sur une pièce en circulation en 1947, la dernière année du demi-dollar « Walking Liberty ».
Au revers, c’est le plus souvent le « pygargue à tête blanche » qui est apparu au revers des pièces d’or et d’argent, sous la forme d’un aigle héraldique inspiré du grand sceau des États-Unis. L’aigle héraldique aux ailes déployées tenait une branche d’olivier dans une serre et des flèches dans l’autre avec un bouclier devant. Parfois, des étoiles et des nuages apparaissaient au-dessus de l’aigle pour symboliser l’Amérique en tant que nouvelle nation.
L’aigle a eu une durée de vie plus longue que « miss Liberty » sur les pièces en circulation, apparaissant toujours sur le demi-dollar Kennedy. Le nickel Buffalo a été l’une des premières pièces à s’écarter des motifs traditionnels d’aigle ou de couronne en présentant un bison américain au revers. D’ailleurs, si vous avez un jour la chance de visiter la Monnaie de Philadelphie, peut-être aurez-vous la chance d’y rencontrer Peter, un aigle qui y a élu domicile. Depuis lors, le Congrès autorise de temps en temps de nouveaux dessins pour commémorer certains événements ou lieux, comme le « Lincoln Bicentennial One Cent » ou la série « America the beautiful quarter ».
Et maintenant ?

Aujourd’hui, l’US Mint est le plus grand fabricant de pièces de monnaie au monde. Au cours de l’année civile 2021, elle a produit plus de 14 milliards de pièces en circulation. Depuis l’exercice 1996, la Monnaie fonctionne comme une entreprise publique, qui implique qu’elle ne reçoive pas de subvention et doit générer ses propres revenus grâce à la vente de pièces en circulation aux banques de la Réserve fédérale (FRB), de produits numismatiques au public et de pièces d’investissement aux acheteurs intéressés.
En revanche, les revenus excédant les montants nécessaires au fonctionnement de la Monnaie sont reversés au Fonds général du Trésor des États-Unis. La Monnaie exploite six installations au travers des USA et emploie environ 1 600 employés. Chaque installation unique remplit des fonctions particulières. Les Monnaies de Philadelphie et de Denver produisent des pièces de monnaie de toutes les dénominations destinées à la circulation, des monnaies commémoratives ainsi que des matrices pour frapper les pièces. En sus, toutes les créations et gravures de pièces de monnaie et de médailles sont réalisées par la Monnaie de Philadelphie.
La production de produits numismatiques, y compris les pièces d’investissement, est principalement réalisée dans des installations de San Francisco et de West Point. Les deux autres sites de l’US Mint sont le « United States Bullion Depository » à Fort Knox, qui stocke et protège les réserves de lingots d’or des États-Unis, et son siège e Washington DC, pour les fonctions administratives et de surveillance.
Les pièces frappées dans ces hôtels des monnaies portent donc, généralement, des marques d’atelier différentes (excepté entre 1965 et 1968, période durant laquelle ces lettres ont été supprimées) : D pour Denver, S pour San-Francisco, P pour Philadelphie et W pour West-Point. Notez que ces « différents » d’ateliers ont figuré au revers des monnaies américaines jusqu’en 1968, date à laquelle ils sont passés… à l’avers.
Le mythique Fort Knox

Si peu de personnes ont pu visiter ce lieu, qui est donc une des composantes de l’US Mint, son bâtiment blanc est très largement connu (à commencer par les épisodes qu’il illustre dans « Goldfinger »). Construit en 1936, il a reçu son premier stock d’or dès l’année suivante… par la Poste ! Aujourd’hui, il contient environ 4.600 tonnes d’or. Il en a contenu jusqu’à 4,5 fois plus en 1941. Cet or y est stocké sous formes de barres de 12,5 kg. Comptablement, ce stock est valorisé une fois pour toutes à la valeur de 42,22 $ l’once (31,1 gr). Ceci afin d’éviter les incontournables fluctuations du marché.
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