Après sept années de guerre civile, l’économie syrienne est à l’agonie. Le clan Assad s’accroche au pouvoir et semble en passe de l’emporter sur ses adversaires avec le soutien de la Russie et de l’Iran mais le dictateur président Bachar Al Assad ne règne plus que sur un tas de ruines et une population encore très divisée malgré l’épuration religieuse et idéologique issue du conflit. Le gouvernement syrien n’est plus vraiment maître de son destin et les luttes d’influences internationales ont pris le pas sur la révolte originelle inspirée par les Printemps Arabes de 2011. En effet, si l’Etat Islamique semble vaincu, les divergences entre Kurdes, Turques, Chiites du Hezbollah et de l’Iran, voisins Israéliens ou Arabes, intérêts européens, américains et russes assombrissent l’avenir et tout espoir de reconstruction de l’Etat syrien.
LA GUERRE CIVILE DEPUIS 2011
En décembre 2010, de grandes manifestations populaires contestant les vieux régimes autoritaires en Tunisie, en Algérie et en Egypte marquent le début du fameux « Printemps Arabes ». La Syrie de Bachar El-Assad n’échappe pas au mouvement révolutionnaire. Des manifestations sont violemment réprimées et des opposants sont jetés en prison dès février 2011. Plusieurs dictateurs historiques sont finalement chassés du pouvoir au bout de quelques mois comme Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Egypte ou Saleh au Yémen. D’autres s’accrochent et matent les révoltes en Algérie, au Maroc ou dans les pays du Golfe. Enfin les confrontations dégénèrent en guerres civiles en Libye, au Yémen… et en Syrie à partir de mars 2011.
La situation géostratégique de la Syrie et sa composante multi-ethnique transforme la révolution « anti-régime » en véritable conflit à la fois ethnique, confessionnel et international. En effet, les minorités kurdes et turques prennent le contrôle de larges parts du territoire avec le soutien de puissances étrangères comme la Turquie ou les Etats-Unis. Les minorités chiites, soutenues par le Hezbollah et l’Iran, sont solidaires des minorités druzes et alaouites contre la majorité sunnite dont une partie tombe dans la radicalisation incarnée par Al-Qaïda, Al Nosra et surtout Daesh ! Enfin, les intérêts stratégiques russes, arabes ou israéliens viennent encore complexifier une situation déjà peu propice à l’obtention d’une solution de paix.
Dans ce contexte, Bachar El-Assad se présente lui-même comme le dernier rempart contre l’islamisme et tous ceux qu’il considère comme des terroristes mais il n’est plus vraiment maître de la situation dans le pays. Ses troupes gouvernementales sont largement renforcées de volontaires venus d’Iran et du Hezbollah, et il aurait déjà perdu le contrôle d’une bonne partie du territoire sans l’intervention militaire renforcée de la Russie depuis 2015.
Aujourd’hui, les dernières poches de résistances anti-gouvernementales ou les dernières zones contrôlées par les groupes terroristes sont en passe d’être reprises mais il reste encore une partie du pays qui a été « libérée » par les forces kurdes et une autre par l’invasion stratégique limitée de l’armée turque. Enfin, les inquiétudes d’Israël sur la présence d’armes offensives iraniennes font craindre des interventions militaires à la frontières sud et des bombardements ciblés en Syrie.

L’Etat syrien et le dictateur Bachar El-Assad ne contrôlent donc en réalité plus grand-chose et l’économie est exsangue. Le conflit a fait plus de 500 000 morts et déplacés près de 10 millions de personnes tandis qu’un quart de la population a fui le pays. Le tourisme est inexistant et beaucoup de sites mondialement connus ont été bombardés comme le marché d’Alep ou les ruines antiques de Palmyre. Le commerce est très difficile avec des infrastructures majoritairement détruites. L’industrie a été réduite à néant. L’agriculture est consacrée à la subsistance et une partie des ressources naturelles comme le pétrole ne sont plus contrôlées par le gouvernement. Privé de tous ses revenus, l’Etat syrien, qui consacre déjà l’essentiel de son budget au financement de la guerre, est incapable de financer des programmes de reconstruction et d’aide à la population qui vit à près de 80% sous le seuil de pauvreté. Les pénuries sont nombreuses et touchent le carburant, les médicaments ou encore la nourriture. La livre syrienne ne vaut plus rien, l’inflation est encore très élevée et les réserves de devises sont épuisées. En juillet 2016, un nouveau gouverneur a été nommé à la tête de la Banque Centrale pour trouver de nouvelles solutions monétaires.
Le gouverneur précédent, en place depuis 11 ans, se contentait de régulièrement dévaluer la livre syrienne. Il tente de s’appuyer sur les banques privées pour relancer l’économie et stabiliser la monnaie et donc les prix. Pour retrouver la confiance de la population, de nouveaux billets à l’effigie de Bachar El-Assad sont émis depuis 2015 et 2017 tandis que l’utilisation du dollar et le marché noir sont interdits. La livre se maintient ainsi aux alentours de 500 livres pour un dollar depuis 2 ans et les perspectives d’une paix rétablie dans les zones les plus riches du pays peuvent permettre d’envisager une reprise de la croissance économique. L’Iran et la Russie sont prêts à investir, les barrages commerciaux sont moins nombreux à l’échelle locale, car les sanctions internationales subsistent, et l’industrie ou l’agriculture devraient pouvoir redémarrer dans les zones pacifiées. Ainsi, si Bachar El-Assad ne commet pas à nouveau l’erreur d’utiliser des armes chimiques contre ses derniers opposants, le soutien inconditionnel de ses alliés devrait lui permettre de rester au pouvoir et d’entamer une lente reconstruction « d’une partie du pays ». La guerre civile, elle, ne semble pas prête de se terminer, notamment à cause de la question kurde, de la présence de millions de réfugiés syriens dans les pays voisins et de la présence toujours d’actualité de mouvements terroristes.
Article rédigé par Eduardo Gurgel