Au coeur du centre culturel et religieux majeur de l’Europe médiévale qu’est l’abbaye de Cluny, un formidable trésor dormait à l’emplacement d’un ancien talus où des archéologues cherchaient des traces d’une infirmerie. Ce trésor est composé de plus de 2 200 pièces d’argent, 21 dinars en or, un anneau sigillaire en or avec une intaille romaine ainsi qu’une feuille pliée et un petit objet en or.
Ses monnaies ont toutes été frappées dans la première moitié du XIIe siècle formant un ensemble rarissime pour l’Europe médiévale. Les fouilles sur l’infirmerie sont menées par Anne Baud, enseignante-chercheure à l’université Lumière Lyon 2, et par Anne Flammin, ingénieure CNRS. Elles cherchaient des traces des bâtiments médiévaux car ceux-ci ont pratiquement tous disparus. Le travail se concentrait plus particulièrement sur l’ancienne infirmerie qui apparaît sur un plan du XVIIIe siècle et où des restes ont déjà permis d’avoir des indications sur le régime alimentaire des moines malades.
En partant à la recherche de ces fondations une étudiante a remarqué une pièce dépassée du sol alors que la pelle mécanique enlevait des premières couches de terre. Une fouille manuelle est enclenchée aussitôt et le trésor extrait avant la tombée de la nuit. Regroupés dans un sac en tissu, plus de 2 200 oboles et deniers, frappés pour la plupart dans l’abbaye, étaient regroupés. Découverte exceptionnelle car les précédentes s’étaient limités à une dizaine à la fois. Au milieu de ces pièces, une peau tannée contenait les éléments les plus prestigieux : 21 dinars musulmans en or, un anneau sigillaire en or, une feuille d’or pliée de 24 grammes et un petit objet en or en forme de bouton. Les dinars d’or ont été frappés de 1121 à 1131 en Espagne et au Maroc, dans des espaces contrôlés par la dynastie berbère des Almoravides.
Selon un chercheur, bien que le trésor soit exceptionnel, il était élevé pour un individu mais pas à l’échelle de l’abbaye : la somme représentait une semaine d’approvisionnement en vin et en céréales ! La provenance des pièces d’or est surprenante mais Cluny avait à l’époque des prieurés en Espagne qui ont pu lui faire remonter celles-ci jusqu’à l’abbaye-mère. Les pièces d’or étaient très rare à l’époque. En effet il fallu attendre 1252 pour que des florins soient émis pour la première fois à Florence.
L’objet qui intrigue le plus est la bague sigillaire (c.a.d. qui fait office de sceau). La bague semble datée du XIIe siècle mais l’intaille à l’intérieur est ornée du portrait d’un dieu antique remontant à l’Empire romain. Quel fut son cheminement pour se retrouver dans le sol d’une ancienne infirmerie médiévale au cœur de la Bourgogne et quelle était sa fonction? Les questions ne manquent pas mais les réponses risquent d’être dures à trouver !
Crédits photos : A. Band, A. Flamin, Laboratoire Archéologie et Archéométrie, Université Lumière Lyon 2
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