On les croyait enterrées, inexpugnables avec leurs 400 années d’existence. Mais elles reviennent toujours dans les rêves et les projets des chercheurs de trésor. On les croyait oubliées à jamais… or, la poursuite du « diamant vert » n’est pas prête de s’éteindre… Les émeraudes des Incas et de la »Rain Forest » sont toujours à prendre… mais qui les trouvera un jour ?

Beaucoup ont essayé, comme les « Marines » américains, les conquérants du nouveau monde, les conquistadors espagnols, et bien d’autres encore ! Autant de tentatives avortées.
Celle de la « Rain Forest », « la forêt de la pluie » a bien failli réussir, mais les émeraudes qu’elle recèle ont été les plus fortes. En effet, ces mines incas fermées au moment de la conquête espagnole, livrées à l’abandon depuis, ont gardé leur secret. Seule la jungle qui les a recouvertes pourrait en parler.
Et pourtant, quatre-vingt-dix-neuf pour cent des pierres précieuses, proviennent de la « Rain forest », de quoi tenter le diable et les aventuriers.
Lorsqu’en août 1530, Pizarro commença la conquête de l’empire inca, plus encore que l’or, c’est l’émeraude qui le conquit, lui ! Très vite, l’homme n’a plus qu’une obsession : arracher les pierres qu’il trouve partout devant lui, sur les monuments, les statues rituelles. L’une des plus belles, grosse comme un oeuf d’autruche, il la détachera du front de la déesse Illa Jica, déesse de la création, vénérée dans le temple du soleil à Quito. Poussé par une soif morbide de posséder tout ce qui accroîtra sa fortune, il ordonne au Père Velasquez qui l’accompagnait, de se mettre en quête des mines productrices de tels joyaux.
Mais le bouillant Pizarro ne sut jamais vraiment où trouver ces mines fabuleuses, sinon qu’elles se situaient au coeur de la jungle, au nord-est de Quito, quelque part sur l’actuelle frontière colombienne. Torturés par les soldats de Pizarro, rendus fous par l’obsession du métal jaune et par cette pierre verte qu’ils venaient de découvrir, écartelés, soumis à la question, jetés dans l’huile bouillante, les Incas emportèrent avec eux le secret de la pierre tant convoitée. Jamais les Espagnols ne purent la trouver. Depuis, la jungle a repris possession de ces lieux et jamais plus on entendit parler des mines incas.
Les siècles passèrent jusqu’au début du XXe siècle, où un curieux personnage s’intéressa de plus prêt à la forêt d’émeraudes. Cet homme, un Américain, se nommait Stewart Connelly, et il avait lu et relu les notes de ce moine espagnol, qui accompagnait à l’époque Pizarro, le Père Vélasquez. Il était certain, après lecture, que les mines de pierres précieuses étaient en quelque sorte à portée de sa main.
Ancien engagé volontaire dans la Croix-Rouge durant la Première Guerre Mondiale en France, il s’installa après le conflit en Espagne, près de Séville. Le plus clair de son temps, il l’employa à étudier l’histoire des conquistadors en Amérique du Sud, fasciné par leurs exploits et les immenses trésors qu’ils avaient embarqués pour l’Espagne. Il dévora tous les ouvrages qui traitaient de ce sujet. L’un d’eux allait changer le cours de son existence : le petit livre écrit par le moine Vélasquez.
Le récit du moine et le rêve de ce trésor vert l’obsédèrent. Il le connaissait par cœur lorsqu’il décida de tenter de retrouver la mine d’émeraudes.
Connelly s’embarqua pour Guayaquil sur un cargo transporteur de bananes, et de là gagna Quito par le train. Dans les faubourgs de la ville, il loua une malheureuse bicoque en briques et y consacra quelques mois à l’étude des vieilles cartes, sur lesquelles il repéra l’emplacement des monastères et des bureaux du gouvernement.
Avec les derniers sous qui lui restaient, il fit un achat tout à fait surprenant, mais qui faisait partie du plan étrange qu’il avait échafaudé. La flûte de bambou dont il fit l’acquisition devait être la clé qui lui ouvrirait les portes du plus fantastique trésor dont il eut rêvé. Jour après jour, nuit après nuit, quand dormaient les Indiens ses voisins, assis sur le sol en terre battue, Connelly s’exerçait à souffler dans sa flûte, en tirant des sons incongrus, étranges.
Au bout de quelques semaines, il fit route vers le Sud, escalada les sommets de la Cordillère des Andes, et gagna la jungle impénétrable.
DISPARU PENDANT DE LONGS MOIS

Des mois passèrent. Nul n’entendit parler de l’étranger. Stewart Connelly était complètement oublié. Un matin cependant, neuf mois après son étrange disparition, deux religieux espagnols de la mission avancée d’Ahuana sur le Rio Napo, n’en croyant pas leurs yeux, aperçurent un inconnu complètement nu, nageant désespérément pour traverser la rivière agitée. Il atteignit enfin la rive et s’évanouit. Les deux moines se précipitèrent à son secours et le ramenèrent à la mission. Connely mit plusieurs jours à reprendre conscience et, pendant son délire, il parlait un dialecte indien bizarre. Pas un des Pères ne parvenait à le comprendre. Quand il revint enfin à lui, son premier souci fut de tâter un petit sac de cuir qu’il avait suspendu à son cou. Sa convalescence dura plusieurs semaines, mais jamais les moines ne purent lui faire dire un mot sur sa randonnée à travers la jungle. Ayant peu à peu retrouvé ses esprits, l’Américain décida de regagner la civilisation. Le matin de son départ en direction de Quito, il ouvrit le sac de cuir et en sortit une splendide émeraude d’un vert sombre magnifique qui pesait environ cinquante carats. Il la déposa dans la main du Supérieur de la mission en lui disant simplement que c’était une offrande, pour les remercier tous de lui avoir sauvé la vie.
Dans le petit sac de cuir, il y avait une douzaine d’émeraudes qui, au total, valaient une fortune. Le monde apprit cette fantastique découverte quand Connelly se présenta au bureau du directeur des mines de Quito pour remplir une formule de demande de concession minière. Mais, avant de l’accorder, le gouvernement équatorien lui réclama la description, exigée par la loi, du lieu où se trouvait la mine. Il expliqua qu’il savait approximativement où se situait la région de la mine d’émeraudes, mais qu’il lui était impossible de le préciser, parce que cette région était encore inexplorée et n’avait jamais été détaillée sur aucune carte. Il ne savait pas non plus les noms des différentes rivières sur lesquelles il avait navigué en essayant d’arriver au but.
Pour finir, il fut convenu que si Connelly réussissait à faire une description assez précise de ses exploits depuis le jour où il avait abandonné Quito, jusqu’à celui de sa miraculeuse arrivée devant la petite mission d’Ahuana, le gouvernement équatorien lui octroierait une concession provisoire qui deviendrait définitive ultérieurement, lorsqu’il aurait fourni une description topographique plus explicite !
Comment cet aventurier blanc avait-il pu pendant si longtemps survivre à la jungle et à ses dangers ? On apprit, sur la foi de son rapport, qu’après avoir erré longtemps, il tomba sur les membres d’une tribu armés de sarbacanes. Il avait appris dans le livre du Père Vélasquez, que les Indiens protégeaient et n’agressaient jamais les fous, fussent-ils des Blancs ! Alors Connelly hurla, gesticula et surtout joua de sa flûte, qui du coup devenait enchantée. Il se fit tant et si bien passer pour fou, que les indigènes, l’amenèrent à leur village et l’adoptèrent finalement. Ils lui offrirent même trois femmes pour lui tout seul. Il passa quelques mois dans cette tribu d’Indiens, mais il n’abandonnait pas son projet de trouver les émeraudes. Ses hôtes lui apprirent qu’une tribu voisine, mais assez éloignée tout de même de leur village, vivait sur un terrain qui recelait ces cailloux verts, qui, au demeurant, n’intéressaient personne, si ce n’est pour les parures. L’Américain décida de s’y rendre seul, car les deux tribus se haïssaient cordialement. Quand il arriva au but, Connelly se présenta de la même façon que précédemment. Il avait traversé, pour rejoindre le village de cette nouvelle tribu, un rio infesté de crocodiles, sans difficulté. Le sorcier de ses premiers hôtes, un ami de ses trois femmes, lui avait indiqué les vertus d’une plante, qui par son odeur, éloignait les crocodiles. Stupeur, chez les villageois ! Qui était ce blanc hirsute que les sauriens n’attaquaient pas ? Au passage, il ressortit sa flûte, qui pour la seconde fois avait accompli un miracle. Peu à peu, la tribu l’adopta comme l’avait fait la première tribu d’accueil. Il choisit un compagnon et chassa avec lui, ramenant de la nourriture au village. C’est au cours d’une de ces parties de chasse, qu’il tomba sur une mine de fabuleuses émeraudes. Il en prit quelques-unes, sous l’oeil indifférent de son compagnon. Connelly ramassa quelques pierres du vert le plus profond et les plaça dans le petit sac dont se servent les Indiens pour transporter leur nourriture lorsqu’ils chassent. Par hasard il venait de découvrir un des plus riches trésors du monde. Deux jours plus tard, ils revenaient au village en rapportant deux-cents livres de tapir. Connely n’avait plus qu’à ramener ses trésors en pays civilisé. Il devait en convertir une partie en argent liquide et revenir avec des mules et un équipement convenable pour s’assurer la fortune.
De retour à Quito, Connelly fut assiégé par une armée de chasseurs de trésors et d’amateurs d’aventures qui, tous, avaient appris son histoire et voulaient l’accompagner lorsqu’il retournerait vers la mine. Avec six mules chargées de nourriture et de munitions pour plusieurs mois, Connelly et son équipe de baroudeurs partirent de Quito en direction de l’Est. Dix jours après, ils étaient arrivés à Puerto Najo où ils prirent un court repos avant de s’engager plus avant. Les jours, les semaines, les mois, les années passèrent. Nul ne revit jamais Stewart Connelly ni aucun de ses compagnons. Leur sort reste un des mystères de l’Amazone, car les Indiens sauvages, aujourd’hui encore, menacent les étrangers qui voudraient s’aventurer sur leur territoire. La nature, la forêt et les cours d’eau regorgent de dangers multiples. D’immenses territoires restent inexplorés, inconnus des Blancs.
Avec une petite flûte de bambou et beaucoup d’ingéniosité, Stewart Connelly avait débusqué le secret d’un des plus grands trésors du monde. Mais il échoua quand l’avidité l’emporta sur la sagesse et la force sur la ruse.
Si vous passez par Quito, ou si vous allez à la chasse au tapir, peut-être retrouverez-vous les ossements de Connelly et de ses comparses. S’ils sont proches de mines ou de pierres d’ardoise, vous ne serez plus très loin des émeraudes de la « Rain forest ». En effet, c’est dans les ardoises que se nichent généralement ces précieux diamants verts de la « Forêt de la pluie ». Mais attention aux sarbacanes et à leurs flèches empoisonnées, et attention aux légendes qui flottent autour de ce trésor des Indiens, du Père Vélasquez ou de Pizarro. C’est un long voyage dangereux à entreprendre. Un long voyage au bout de la pluie.