par Michel Hammer
Plusieurs aventuriers ou chercheurs sont ou ont été formels : le trésor des trésors, toutes fortunes confondues, enfouies ou englouties, reste le fabuleux trésor de la forêt d’émeraudes… Le plus fantastique ? Mais aussi le plus mortel.

Parmi les tentatives pour accéder aux supposées mines de ces merveilleuses émeraudes, il y en a une assez sanglante pour être rapportée.
Au début du XVIIIe siècle, un moine Juan Coledon, qui avait sans doute un peu l’âme d’un explorateur, découvrit dans de vieilles archives, un document révélant l’existence d’un fabuleux trésor.
Sans hésiter, le moine s’embarqua en 1701 à destination de la montagneuse côte nord du Pérou dans le but de rechercher le trésor et, si possible, de profiter de l’occasion pour convertir à sa foi les aborigènes Chicalvos qui vivaient dans la région.
En ce qui concerne le trésor, l’aventureux moine réussit dans son entreprise. Mais il eut moins de chance… beaucoup moins de chance… dans la deuxième partie de sa mission. Au lieu de convertir les indigènes, Juan Coledon fut converti par eux…, converti en cadavre.
Il fut découvert avec une flèche en bois de chonta traversant son corps de part en part et avec, dans l’une des poches de sa robe ensanglantée, un petit sac de cuir contenant une demi-livre d’émeraudes si magnifiques que leur valeur a été évaluée à quelque trois milliards de nos anciens centimes.
Suivant sa vieille habitude, la couronne d’Espagne s’empara du trésor et Juan Coledon fut enterré avec tous les honneurs ecclésiastiques réglementaires.
Pendant deux cent cinquante ans, d’innombrables aventuriers, explorateurs, bandits et soldats de fortune ont parcouru les jungles inexplorées du nord du Pérou et du sud de la Colombie, à la recherche de la mystérieuse source des émeraudes de Juan Coledon, source que l’on pense être une « mine perdue » au moins aussi importante que les gisements d’émeraudes actuellement exploités par le gouvernement colombien à Muzo.
A peu près à la moitié du XXe siècle, les émeraudes refont parler d’elles. Quatre hommes décident alors de tenter de nouveau l’aventure péruvienne. Un guide et trois anciens « Marines » américains bien décidés à mettre la main sur les pierres précieuses de l’immense forêt amazonienne. Et les voilà partis à la conquête des « diamants verts ». Trois Américains : Paul Vestris, Jack Poulis, Sandy Clemans, et un Colombien : Pépé Arica qui sera le guide de l’opération. Ce dernier avait déjà tenté de s’accaparer tout ou partie du trésor d’émeraudes, mais avait dû renoncer, seul contre les Indiens Conibos, farouches gardiens du trésor.
Trois jours plus tard, les quatre hommes débarquèrent du vapeur « Reina del Ancha » à l’extrême pointe méridionale du cours du rio Guavire et continuèrent leur route à dos de mulet et de cheval jusqu’à proximité de la frontière péruvienne. Le lieu civilisé le plus proche était un village du nom de Leticia, et les eaux les plus voisines étaient celles de l’Amazone.
Ce fut en ce recoin de l’extrême-sud de la Colombie que les quatre blancs, s’enfoncèrent dans la forêt vierge, à la recherche de la « glace verte »… qui devait devenir la « mort verte » pour vingt-six des vingt-sept hommes de l’expédition.
Les peones engagés par les quatre blancs étaient des Indiens d’une tribu primitive qui ne connaissaient même pas la signification du mot « esmeralda », ce qui était un avantage pour le secret de l’affaire. Ils travaillaient douze heures par jour moyennant une minime paie en pesos et ils étaient d’excellents porteurs.
Pepe Arica guida l’expédition jusqu’à un flanc de montagne recouvert d’éboulements d’ardoise et de pierre calcaire, et il indiqua l’endroit où le travail d’excavation devrait être conduit. Sous la direction des quatre Blancs, les peones indiens commencèrent à creuser des tranchées, hélas sans résultat !
Les aventuriers ne se décourageaient cependant pas. Ils avaient atteint une couche de cette ardoise grise que l’on appelle « terre à émeraudes ». Pepe Arica était sûr du succès et il affirmait que les choses se présentaient exactement comme lorsqu’il avait découvert ses premières émeraudes avant que les attaques des Conibos ne l’obligent à fuir.
Poulis et Clemens avaient une confiance absolue en la parole du Colombien. Il n’en était pas de même pour Paul Vestris, qui commençait même à penser philosophiquement qu’après la perte de ses économies dans cette folle entreprise, il n’avait après tout que trente cinq ans, il pourrait encore réussir dans quelque entreprise basée sur autre chose que des paroles et des légendes.
Vers la fin du mois de mai, tout changea subitement. Deux des hommes qui creusaient l’une des excavations trouvèrent plusieurs petites pierres vertes.
Les quatre blancs accoururent et se mirent à fouiller fébrilement la terre meuble. Là, sous les débris d’ardoise bleutée, se trouvaient des émeraudes.
Ils n’en trouvèrent d’abord que des petites, puis l’un des peones en découvrit une grosse comme le poing. Tous les hommes de l’expédition s’attaquèrent activement à cette excavation particulière et ils arrachèrent de celle-ci pour un million de dollars d’émeraudes en vingt quatre heures.
L’euphorie s’empara tout naturellement de tout le camp qui trouvait avec la découverte de la mine, une légitime récompense de leurs efforts.
On fit même une fête fort arrosée d’alcool pour saluer l’évènement. Un peu trop arrosée puisque sentinelles, peones, et les 4 aventuriers sombrèrent dans un sommeil des plus profonds.

Les Indiens Conibos, eux n’étaient pas sous l’emprise de l’alcool… Jusqu’à présent, ils avaient été prudents, car l’expédition était armée. Là, ils profitèrent de l’état d’ébriété des pillards de leur mine d’émeraudes. En un instant, et en pleine nuit, des pluies de flèches s’abattirent sur les hommes de l’expédition, avant les massacres à la lance et la machette. Vestris sortit de la tente avec son pistolet à la main et une cartouchière rapidement passée autour du cou. Et il comprit immédiatement que la situation était désespérée.
En vagues incessantes, les flèches jaillissaient de l’obscurité, venant d’un point situé au-delà des excavations. Les tentes des peones, qui se trouvaient à l’autre bout du petit plateau sur lequel était installé le campement, étaient en train de flamber sous une pluie de flèches incendiaires, et Vestris pouvait voir ses hommes, ivres et titubants, essayer de fuir et de se défendre, sans aucun succès, contre les flèches et les machettes qui s’enfonçaient de toute parts dans leur corps.
Poulis, l’un des deux autres Américains, rejoignit son compagnon, pour battre en retraite, en appelant leur troisième compatriote : Sandy Clemens. Mais Clemens ne répondit pas. Son cadavre était cloué sur le sol, par une sagaie des Indiens Conibos.
C’est à ce moment que Vestris et Poulis entendirent l’un des peones crier en espagnol que la hutte à la dynamite avait pris feu. Ne pouvant pas s’échapper vers la jungle grouillante de Conibos, les deux hommes se précipitèrent vers les fouilles.
Poulis cependant ne les atteignit pas. Deux flèches enflammées se clouèrent dans sa tête et dans son cou.
Vestris bondit dans la plus profonde des fosses et s’allongea dans le fond, s’apercevant avec horreur qu’il était couché dans une mare de sang. Ce sang était celui de Pepe Arica, dont le cadavre décapité gisait déjà au fond de l’excavation.
Surmontant son horreur, l’Américain resta allongé et fit le mort. Quelques instants plus tard, une fantastique explosion se produisit et tout le petit monde des émeraudes s’envola dans les airs.
La terre trembla lorsque les mille livres de dynamite entreposées dans la hutte détonèrent, illuminant toute la jungle d’un immense éclair de feu.
Après le départ des Indiens Conibos, Paul Vestris l’unique survivant de l’expédition, regagna tant bien que mal la civilisation, avec quelques petites émeraudes dans sa poche. Maigre salaire, « échantillon » misérable de la fabuleuse mine d’émeraudes. Sagement, il s’abstint de toute publicité sur son expédition calamiteuse.
Après son extraordinaire aventure, Paul Vestris disparut dans l’anonymat de la grande fourmilière humaine des U.S.A., se refusant à indiquer à qui que ce soit l’emplacement de ce qui est peut-être l’un des plus fabuleux trésors du monde, et il est peu probable qu’il aille jamais risquer de nouveau sa vie dans les sauvages jungles du Pérou ou de la Colombie.
Le trésor de la jungle d’émeraudes, qu’on appelait parfois le trésor du « moine » ou de Juan Coledon, avait échappé une fois de plus à l’appétit des aventuriers. Il semble cependant invraisemblable que personne n’ait cherché à faire parler l’américain Paul Vestris, le miraculé de l’affaire de la mine perdue.
Les émeraudes des forêts de Colombie, du Pérou, ou même de l’Equateur, ont toujours fasciné les chercheurs de trésor. On vient de lire la folle virée de Paul Vestris. Bien avant lui, depuis que Pizzaro entama la conquête de l’empire Inca, les émeraudes attirèrent les hommes et les conquistadors venus d’Europe, et plus tard du monde entier. Avec pour unique obsession : arracher les pierres précieuses des forêts d’émeraudes, comme celles supposées nombreuses et, pour prendre un exemple, de la « Rain Forest ». Pizzaro et son envoyé spécial, le père Velasquez un ecclésiastique, employèrent tous les moyens pour trouver les mines qui recelaient de tels joyaux, sans grand succès… jusqu’au jour où… Mais ceci est une autre histoire… de forêt… et d’émeraudes. Celle que nous allons nous empresser de raconter aussi, tant la légende de l’émeraude est partie prenante de la nuit des temps
Celle-ci remonte à l’antiquité égyptienne. C’est sans doute en haute Egypte que l’on découvrit les premières, dans les parages de la mer Rouge. C’est Cléopâtre, à la beauté légendaire, qui historiquement consacra l’émeraude. Jeune princesse, consciente de sa beauté, elle éprouva le désir de rendre encore plus évidente cette beauté que la postérité allait admettre tel un postulat. C’est donc à l’émeraude qu’elle eut recours, s’en parant, à l’exclusion de tout autre pierre. Devenue reine d’Egypte, poussée par sa passion elle s’assura la possession des mines de haute Egypte, exploitant à son seul profit les émeraudes que l’on y extrayait. Ainsi parée, Cléopâtre qui, décidément, semblait sûre de ses charmes et sans doute de celui de son nez, convoqua les plus habiles artisans du royaume et les engagea à graver son portrait sur ces pierres qui lui allaient si bien.