Il y a 300 ans mourait le Roi Soleil, certainement, au regard de l’Histoire, un des plus grands souverains français. Un très long règne de 72 ans qui est aussi un tournant de la numismatique française.
Louis XIV succède à son père le 14 mai 1643. Compte-tenu de son jeune âge, il est placé sous la tutelle de sa mère, Anne d’Autriche, et de son conseiller, Mazarin. Le début du règne de Louis XIV est marqué par l’arrivée de grandes masses d’argent constituées essentiellement de « réaux » espagnols frappés au Pérou ou au Mexique. Le commencement du règne de ce très jeune souverain est aussi marqué par une révolution industrielle dans le domaine monétaire. L’arrêt de mars 1645 impose la frappe au balancier à tous les Hôtels des Monnaies, généralisant en cela l’expérience tentée depuis 1640 à Paris par Jean Warin. Dès 1646, les premiers Hôtels des Monnaies sont dotés du nouveau matériel et, avec l’équipement de l’atelier de Bayonne, ils sont tous équipés en 1649. Même certaines Monnaies éloignées, alors fermées faute de production, reçoivent cette dotation et pourront démarrer dès 1650 ces nouvelles fabrications. Le sommet de cette activité, pour cette période, sera atteint en 1652-1653, période durant laquelle 23 ateliers monétaires fonctionnent, sans y comprendre ceux de Navarre et de Béarn, quasi autonomes.
Mais à cause de la Fronde (1648-1653) le gouvernement est incapable de contrôler la circulation monétaire et la nouvelle pièce d’argent, l’écu, ou le louis d’or, créés par Jean Warin sous Louis XIII, qui atteignent des valeurs exceptionnelles. Après 1653, les derniers sursauts de la révolte matés, le régime a suffisamment consolidé son autorité pour reprendre en mains les affaires économiques et engage, avec Colbert, une politique résolument déflationniste. Les conditions progressives d’un équilibre favorisèrent le mouvement centralisateur d’une monarchie absolue et, en mai 1662, il ne reste que 6 ateliers monétaires en fonctionnement. De leur côté, les émissions massives de pièces de cuivre, débloquent la circulation sans toutefois satisfaire totalement la demande. Mais, à côté, la circulation courante est « envahie » par les monnaies étrangères (réaux d’Espagne, pistoles d’Italie…) ou anciennes (testons, quart d’écu, francs…). Pourtant ces pièces sont interdites par des textes successifs (nommés ”décris”) qui intiment l’obligation d’apporter ces pièces aux Hôtels des Monnaies pour y être refondues et refrappées aux nouveaux types.
LE PRIX DES GUERRES


Puis, la guerre contre la Hollande (1672-1678) amène de nouveaux impératifs pour financer les opérations. Les monnaies étrangères sont officiellement cotées et autorisées à circuler. Dans le même temps, Colbert essaye de retenir les stocks de métaux précieux en France, tout en s’efforçant d’unifier la circulation. Il utilise plusieurs moyens : tout d’abord une drastique restriction de l’utilisation des métaux monétaires à titre d’ornement (bijoux, vaisselle, tapisseries…) et en encourageant la transformation des monnaies d’or étrangères en louis. Mais ce n’est qu’à la fin de cette guerre que va intervenir la véritable réforme. En 1679, la circulation de la quasi totalité des monnaies étrangères dans le royaume est interdite. Le prix d’achat de l’or par les Monnaies, qui sont presque toutes réouvertes, est artificiellement augmenté pour l’attirer vers la refonte. Mais rien n’a été fait pour l’argent et, son rapport avec l’or étant déséquilibré, il fuit massivement hors du royaume. Du coup, cette réforme est un échec partiel et les bénéfices escomptés ne se matérialisent pas. L’insuffisance de métal apporté aux ateliers les fait fermer tour à tour, à peine un an après le début des frappes.

Finalement, de1683 à 1689, 4 ateliers seulement fonctionnent. C’est à ce moment-là que Joseph Roettiers remplace Jean Warin au poste de graveur général des Monnaies de France. Autre amélioration technique : la machine de l’ingénieur Castaing,
inventée en 1680, qui permet de marquer les monnaies sur la tranche (jusque là lisse) est imposée dès 1685 dans les Monnaies. Mais la circulation monétaire reste très sclérosée et la Révocation de l’Édit de Nantes fait fuir les capitaux protestants à l’étranger.
LES « REFORMATIONS »
En décembre 1689, la première « reformation » est décrétée. L’ordonnance royale prescrit aux particuliers d’apporter leur vaisselle précieuse aux Monnaies et, pour donner l’exemple, le Roi lui même y apporte une grande partie de la sienne. Pour l’anecdote, c’est cette « chasse aux métaux » qui va parallèlement doper la fabrication de la faïence française, à titre de remplacement. Pour intéresser le public à cette opération, on décide d’augmenter le prix d’achat des métaux. L’écu d’argent, de 60 sols en principe, est acheté pour 62 sols… mais réémis pour 66. L’État y gagne donc 4 sols par pièce. En dépit de ces obligations et de ces conditions tarifaires favorables, cette transformation n’est pas assez rapide. On va donc utiliser les capacités de frappe du balancier pour ne pas fondre les monnaies d’ancien modèle, mais seulement les surfrapper de la nouvelle empreinte. C’est la « reformation ».

Au bout du compte on obtient, d’un côté des pièces dites « flans neufs » fabriquées sur des flans provenant de la refonte des métaux divers apportés aux ateliers et les pièces « reformées » c’est-à-dire juste refrappées, plus ou moins heureusement. En effet, on obtient souvent, tout d’abord, des monnaies sur lesquelles on constate un chevauchement plus ou moins important des anciennes et nouvelles effigies. De plus, ces refrappes augmentent la taille des monnaies par écrasement. Outre leur qualité, très différente, les monnaies « reformées » portent un symbole spécial destiné à les identifier. Les monnaies frappées sur « flan neuf » sont plus rares et de bien meilleure qualité que les autres. Le rapport flans neufs / reformations est de 1 sur 8.
Mais les finances de l’État sont dans une position dramatique et dès 1693 une seconde « reformation » est lancée. Même processus : augmentation de la valeur d’achat des pièces (65 sols par écu) et réémission avec un appréciable bénéfice (72 sols). Le rapport sera cette fois de 1 pour 7. A partir de 1695, on trouve presque uniquement des monnaies neuves, l’essentiel des autres pièces ayant été recyclées.
En septembre 1701, une troisième « reformation » est lancée. Pour que cette opération soit massive et rapide, les prix d’achats sont très nettement augmentés et l’effet est immédiat. L’opération dure à peine un an. Cette fois, le ratio n’est plus que de 1 sur 12. En revanche, cette volonté de rapidité à faire rentrer de l’argent dans le Trésor royal, trouve sa limite dans les capacités de fabrication des Hôtels des Monnaies. Les gens qui apportent leurs pièces à refrapper devraient être immédiatement payés en retour grâce aux nouvelles espèces. Mais la production ne suit pas. Pour les faire patienter, on émet donc des « billets de monnaie » qui seront les premiers billets français. Il s’agit, au départ, juste de sortes de reçus des espèces déposées pour refrappe. Mais en même temps, leurs détenteurs peuvent avoir besoin d’utiliser ces fonds. Ces billets vont donc être utilisés comme véritables moyens de paiement, en attendant leur remboursement… à terme.


En mai 1704, une quatrième « reformation » est tentée. C’est Norbert Roettiers qui succède à son oncle comme Graveur Général des Monnaies. Fin 1704, elle est réalisée à 90%.
Mais la situation technique est tout à fait catastrophique. La plupart des pièces ainsi « reformées » ont été plusieurs fois surfrappées, mélangeant complètement les types. Effigies, légendes, dates et marques d’atelier sont souvent illisibles. Car le métal, au fur et à mesure des refrappes, devient de plus en plus dur, de moins en moins malléable. Et les flans sont complètement écrasés, livrant ainsi des écus de 40 à 46 millimètres.
UN RETOUR AUX NORMES

Ne trouvant plus à emprunter qu’à des taux exorbitants, l’État n’est même plus en position de rembourser les « billets de monnaie » qui vont peser considérablement sur le marché et achever de ruiner le crédit, déjà très ébranlé par leur importante dépréciation.En 1709, la banqueroute royale est imminente. Elle est sauvée par une sorte de miracle : l’arrivée dans le port de La Rochelle d’un navire transportant pour 30 millions de piastres, pistoles et autres richesse provenant des « Indes espagnoles ». Elle va permettre une refonte générale des monnaies, décidée par un arrêt de mai 1709. Il s’agit bien, cette fois, d’une refonte et non d’une refrappe. Les nouveaux écus pèseront 10% de plus que les précédents (30,59 g contre 27,44 g). Pour gagner du temps et de l’argent sur l’affinage, on conserve en revanche le même titre que celui des pièces précédentes. Ces nouveaux écus sont émis pour une valeur de 100 sols, soit un bénéfice de près de 25% pour le Trésor. Et, pour essayer de résorber la masse des « billets de monnaie » on autorise à les échanger contre les nouvelles pièces dans la proportion de 1/6e des sommes versées dans les ateliers. S’agissant d’une véritable refonte, les opérations sont nécessairement plus longues. Elle va durer jusqu’en 1713.
Ces manipulations monétaires imposées par la faillite budgétaire du royaume paraissent complexes. Pourtant, à coup de surévaluations puis de dévaluations successives, la valeur de l’écu d’argent n’a en 1715 quasiment pas changé puisqu’elle reste au cours de 63 sols.
LA MONNAIE DE PARIS REND HOMMAGE À LOUIS XIV
Cette année, dans le cadre de son programme UNESCO / Rives de la Seine, la Monnaie de Paris émet une série de monnaies de collection montrant, entre autres, pour le millésime 2015, les Invalides, créées par l’édit royal du 24 février 1670 pour abriter les malades et blessés des armées de Louis XIV. Institution qui a perduré jusqu’à aujourd’hui.