par Michel Hammer
C’est à Haïti, lors de la révolution des esclaves et des autochtones contre les planteurs et colons français, que des fortunes en or, en diamants et autres bijoux furent enfouies sur l’île. Ce qu’on appela par la suite « l’or des Français » fut alors le rêve de beaucoup de chercheurs.
Des chercheurs et aussi énormément de monde, Haïtiens et étrangers, furent attirés par ce pactole faramineux.
Nous sommes au début des années 1800, Haïti était devenue un véritable paradis terrestre pour les milliers de Français qui s’y étaient installés et qui, souvent, devinrent propriétaires de riches plantations. D’un bout à l’autre de l’île, ils construisirent de grands châteaux et des palais, plus luxueux que ceux dont était émaillée la région parisienne. Leurs demeures étaient meublées avec élégance et leurs caves regorgeaient de champagne et de vins renommés. Pour travailler dans leurs immenses plantations de sucre et de café, des navires chargés d’esclaves accostaient régulièrement à Port au Prince et à Cap Haïtien et débarquaient des Noirs, hommes et femmes, vendus aux enchères, au plus offrant.

L’île était encore au faîte de sa renommée quand arriva Pauline, la sœur de Napoléon, épouse du général Leclerc, nommé gouverneur de l’île. Pendant les quelques années qui suivirent, Pauline ordonna la construction d’au moins six châteaux où elle et son mari vivaient royalement. La suite de ses esclaves personnels comptait plusieurs centaines de Noirs.
Lorsqu’éclata la révolution, la consigne fut passée aux colons français. Il y avait urgence… Ils reçurent l’ordre du Gouverneur d’enterrer leur or et tous les métaux précieux qu’ils avaient accumulés.
Ceci représentait une fortune colossale ! Pris de panique, les colons et grands fermiers envisagèrent de gagner le port et d’embarquer sur les navires de guerre français, direction la métropole.
En quelques heures, les réfugiés français encombrèrent les routes, cherchant à sauver leur existence jusqu’à ce que, la révolte étant calmée, ils puissent retrouver leurs trésors et reprendre la vie opulente qui était la leur.
Mais, ils ne revinrent jamais. Abandonnées, leurs magnifiques demeures se dégradant, tombèrent en ruines. Il n’en reste aujourd’hui que des amas de pierres et de végétation enchevêtrés.
L’or des Français était sous chaque villa ou tout à côté des fabuleuses demeures et cela représentait déjà un sacré pactole.Mais, il existe encore un autre trésor, bien plus fabuleux en Haïti.
L’histoire de ce trésor remonte à la même époque. C’est-à-dire au début des années 1800-1802.
En ces temps là les planteurs français furent donc contraints à la fuite. Peu de temps après, alors que les indigènes luttaient entre eux pour s’assurer le pouvoir, un nouveau chef surgit de la mêlée : un Noir de génie, qui domina les masses misérables et, avec son armée d’anciens esclaves affamés et déguenillés, il s’assura la possession de la moitié de l’île.
Connu sous le nom d’Empereur Noir, le roi Henri Christophe régna sur ses montagnes avec une poigne de fer. Presque tout de suite, il entreprit la construction de la citadelle « La Ferrière », forteresse gigantesque, juchée au sommet d’une montagne face à la mer, imprenable bastion de pierre, dont la circonférence dépasse celle de la Tour de Londres. Ce monument est de la taille des pyramides d’Égypte. Ses murs de pierre sont hauts de vingt à trente mètres, épais de sept à dix mètres. A l’intérieur de cette vaste forteresse fut érigé un palais miniature pour le roi Henri, tandis que dans les hauteurs s’alignait une série de donjons et surtout une chambre forte, où le roi gardait sa fortune : vingt-cinq petites caisses cerclées de fer, chacune remplie à ras bord de pièces d’or et d’une scintillante collection de précieux joyaux.

Seulement, tout Haïtien qu’il était, le roi Christophe avait ses ennemis de l’intérieur. Ceux-ci entreprirent d’attaquer les forteresses du nouveau despote de l’île. Christophe se trouva dans une situation difficile. Le mécontentement gagnait tout le pays, sa chute devenait imminente. Redoutant une révolte intérieure parmi les milliers de soldats qui occupaient la citadelle s’ils venaient à connaître l’existence de l’immense trésor qu’elle abritait, Christophe alors se livra à une entreprise désespérée. Sans aucune aide, absolument seul, il décida de le cacher dans l’épaisseur des murs.
La nuit, armé de sa seule truelle, il transporta les lourdes caisses qui recelaient un trésor de pièces d’or, de la chambre aux murs de la forteresse. Il était seul à pouvoir faire ce travail. La même opération se reproduisit plusieurs nuits de suite. Le trésor du roi Henri Christophe n’était pas plus tôt emmuré qu’une armée d’insurgés s’avançait vers le palais royal. Seul dans sa chambre à coucher, Christophe entendit se rapprocher les vociférations de la foule. Il perçut bientôt, montant l’escalier, des pas précipités, le palais était mis à sac. Dépité, Christophe allongea le bras vers le tiroir de sa commode, y prit un revolver et se tira une balle d’argent dans la tête.
Actuellement la forteresse est un tas de ruines, mais les murs extérieurs, quelques donjons, de vastes terrasses, des remparts abrupts et spécialement la Chambre au trésor, sont intacts. Aujourd’hui il est encore possible de distinguer les passages secrets, les escaliers de pierre étroits qui conduisaient à tous les points de la forteresse. Cette construction était d’une telle ampleur que dix mille soldats pouvaient y vivre confortablement.
Le mur d’enceinte étant tellement grand, et les créneaux tellement nombreux, qu’il aurait fallu raser tout l’édifice et creuser en remuant des tonnes de graviers et de terre. Pendant le « règne » tout aussi despotique de la famille Duvallier, et du plus célèbre de tous, le fameux « Papa Doc », le pouvoir aurait suggéré la destruction de la citadelle, pierre par pierre pour retrouver l’or et les bijoux. Mais on fit remarquer qu’il faudrait trop de temps pour démanteler la vieille forteresse devenue un centre d’attraction touristique et la source de gros revenus pour le gouvernement.
AVEC DE L’OBSTINATION ET BEAUCOUP DE CHANCE…
Bien sûr, de tels trésors, que ce soient ceux des planteurs français, ou celui accumulé par le roi Christophe, encore inviolés, ont suscité des tentatives de récupération. Certaines sans succès, quelques-unes avec des encouragements mais jamais ces dernières n’ont pu mettre à jour, le « jackpot » des Français d’Haïti.
Ainsi en est-il des tentatives d’un chercheur, Suisse de son état, qui comptait bien trouver la fortune, ou les fortunes de cette île des Caraïbes. Il s’appelait Hans Egli et il décida de s’installer à Cap Haïti, sur l’île du roi Christophe. Eglis étudia l’histoire de Haïti et sa géographie. Il avait été conquis par les mystères du rite Vaudou, par les histoires que l’on racontait sur les « zombies », ces morts que ramenaient à la vie les terribles sorciers et les adeptes de la magie noire. Quelques jours après son arrivée, Egli monta dans l’autobus de Cap Haïtien, petite ville tranquille charmante, du nord-est de l’île, et après en avoir arpenté les rues pittoresques et s’être entretenu avec plusieurs indigènes, il résolut de s’y installer définitivement. Suisse d’origine, il parlait français, ce qui devait lui faciliter les choses.

Aidé d’un ami haïtien, il loua une petite maison proche de la mer, aux alentours de la ville, et participa bientôt à la vie de la minuscule cité. Avec son compagnon, il se mit à explorer les ruines d’une centaine d’anciens châteaux français disséminés dans la campagne. Sans résultat.
Le premier coup de pioche heureux d’Egli fut celui qu’il donna près d’une vieille crypte en marbre, dans le cimetière. L’aiguille de son détecteur avait oscillé fortement. Les deux hommes creusèrent et, à moins de 60 cm de profondeur, ils découvrirent un assortiment de plus de cent pièces d’or françaises, un lourd collier d’or, une décoration militaire française incrustée de diamants. Quelques semaines plus tard, second coup de chance pour Egli. Il découvre les restes d’une caisse cerclée de fer à une profondeur de deux mètres, dans un château qui avait appartenu au comte Jacques de Rochambeau, qui passe pour avoir été l’un des propriétaires les plus fortunés de Haïti.
Après les trésors des particuliers enfouis au milieu des parcs des somptueuses villas des colons, notre chercheur s’intéressa évidemment à la fortune du roi Christophe, soigneusement cachée dans les murs du château. Sans succès, comme nous l’avons dit plus haut.
Mais il en fallait plus pour décourager ce Suisse obstiné. Négligeant les trésors personnels et royaux, il s’attaque à une autre forme de fortune : celle des bateaux qui avaient sombré devant Haïti. Exit les pièces d’or des anciennes plantations Françaises. Egli va plonger dans les eux dorées des abords de Haïti. C’est un plongeur enthousiaste et il voudrait découvrir l’épave d’un navire espagnol, parmi ceux qui ont été coulés près de l’île, ainsi que celles des galères coulées pendant les batailles navales entre Français et Anglais, ou par les pirates qui n’ont cessé de circuler dans les parages de Haïti en quête des galions emplis d’or. D’après les rapports de la marine, tant à Cap Haïtien qu’à Port au Prince, parmi les nombreux vaisseaux qui gisent près des côtes, se trouve le bâtiment de guerre britannique Bulldog, armé de canons de 88, coulé en 1870, par le feu d’un mortier, à moins de cinq cents mètres de la côte. On a raconté qu’il transportait des milliers de pièces d’or, destinées aux îles voisines, de l’empire britannique, pour payer les troupes et acheter du café, du sucre, du tabac et d’autres produits coloniaux. Pourtant, personne, à ce jour ne s’est mis en quête de la fortune qu’il transportait.
Là encore les essais furent infructueux. Et pourtant, l’addition de « l’or des Français » et des galions de tous tonneaux, constituaient et constituent toujours un fabuleux trésor !
Le climat des Caraïbes, le soleil peut-être et la nonchalance qui règnent dans cet endroit du monde, ont sans doute eu raison de la volonté des chercheurs de trésors. Jusqu’au jour où la fièvre de l’or emmènera sur ces terres, où plane encore le vaudou, des envieux ou des aventuriers en quête de fortune. Car si le vaudou est toujours dehors, le veau d’or lui est toujours debout.